ISSN 1661-1802 |
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Pourquoi une revue suisse de science de l’information ? par Jacqueline Deschamps8367 mots |
RésuméLa création d’une revue scientifique constitue à la fois un défi éditorial et académique. La Revue électronique suisse de science de l’information (RESSI) veut faire mieux connaître la science de l’information, discipline qui mérite une meilleure visibilité. La promotion de cette discipline bénéficie d’une situation institutionnelle particulière liée à la création des Hautes Ecoles Spécialisées (HES). La création des HES élargit et complète le domaine des hautes écoles suisses et donne une impulsion à la recherche appliquée. Nous nous proposons de montrer que la création de RESSI s’inscrit dans un contexte scientifique spécifique et dans un développement social et historique. Mots-Clés : Science de l’information –
Hautes écoles spécialisées (Suisse) – Recherche
appliquée - Epistémologie |
La création d’une
revue scientifique est un défi à plusieurs niveaux. Un défi
éditorial, étant donné les multiples difficultés
auxquelles se heurte généralement ce genre d’entreprise.
Un défi académique aussi, compte tenu de la concurrence
qui règne dans ce domaine entre les instances institutionnelles
de production et de diffusion de la connaissance scientifique (universités
ou sociétés scientifiques) dont les revues constituent l’une
des expressions les plus importantes. Mais si la publication d’une
nouvelle revue scientifique constitue une véritable gageure, c’est
surtout parce que, en dehors de la contribution d’un nouvel espace
de publication des progrès de la recherche et du travail théorique
de la discipline concernée, une telle revue doit, par l’originalité
des approches, des analyses et des traitements de son objet d’étude,
se distinguer des autres revues avec lesquelles elle entre en compétition.
Quant à savoir dans quelle mesure une revue scientifique relève
le défi, cela dépend naturellement en premier lieu des auteurs
qui lui apportent sa matière première, laquelle dépend
elle-même des spécialistes qui acceptent d’assumer
le rôle aussi déterminant que difficile d’experts,
c’est-à-dire de décider si un travail réunit
ou non les conditions définies par la communauté scientifique
et expressément requises par le comité de rédaction
afin qu’il puisse être publié dans la revue. Nous avons
d’un côté, la responsabilité de la qualification
scientifique et la volonté politique des responsables de la revue
et de l’autre, le rôle plus occulte mais sûrement catalyseur,
de l’institution qui héberge la revue et le contexte sociopolitique
dans lequel elle s’inscrit. Singulier ou pluriel ?La science de l’information est une discipline académique pour certains, un terrain d’application ou un champ interdisciplinaire pour d’autres, elle est souvent associée à la communication avec qui elle entretient des rapports qui ne sont pas toujours aussi limpides qu’on veut bien le croire. C’est aussi intentionnellement que nous parlons de Science de l’information en optant pour science au singulier parce qu’en Suisse, à la différence de la France, nous n’avons pas jumelé science de l’information et communication en « Info-com ». Tout au plus pourrions-nous parler d’info-doc s’il fallait s’allier à un autre champ alors que la science de l’information est en soi une entité complète qui inclue bibliothéconomie, archivistique et documentation. L’utilisation même des expressions « science de l’information » ou « sciences de l’information » n’a pas été établie une fois pour toutes. Pour Le Coadic, c’est la science de l’information... mais par exemple pour Benoît, ce sont les sciences de l’information. « Il semble que l’extension illimitée des phénomènes associables à ce mot décourage a priori toute synthèse, et disqualifie l’idée même d’une discipline. Aussi parle-t-on des sciences de l’information et de la communication, les SIC, mais cet insurmontable pluriel a de quoi rebuter les esprits rigoureux. » (Bougnoux, 1993 : 9). Ou encore, pour Estivals (1983 : 5) « Le pluriel de sciences de l’information et de la communication couvre l’imprécision. L’argument qui consiste à dire que nos domaines ne sont pas assez avancés pour qu’on puisse les délimiter est une pirouette qui dissimule mal notre ignorance. Est-il besoin de dire que le risque est grand, dans le milieu scientifique de n’être pas pris au sérieux ? » Discipline dont on dit qu’elle se cherche tout en ayant une légitime
existence, en France, elle fait partie du paysage universitaire où
elle est enseignée au premier, deuxième et troisième
cycle et confère tous les grades universitaires. En Suisse, elle
n’apparaît officiellement dans aucun cursus universitaire
et c’est cette situation qui nous interpelle. On peut se poser la question du lien des bibliothécaires avec
la science de l’information. Les bibliothèques sont peu souvent
l’objet de recherche universitaire. Pourtant, la recherche qui exige
production et investissement intellectuel est susceptible de donner une
légitimité dont les effets structurent l’identité
professionnelle. On peut aussi penser que la visibilité des bibliothèques
par la recherche - fondamentale ou appliquée - représenterait
aussi un atout significatif, tant pour les bibliothécaires que
les instances institutionnelles. Un contexte institutionnel spécifiqueNotre désir de promouvoir la discipline vient également
d’une situation institutionnelle particulière liée
à un projet de grande envergure en Suisse : la création
des Hautes Ecoles Spécialisées (HES). La création
des HES marque un tournant pour les spécialistes de l’information
dans toute la Suisse, en modifiant leur système de formation, en
leur conférant une reconnaissance fédérale et un
titre protégé. La réforme de l’éducation tertiaire est intervenue en Suisse plus tardivement que dans les pays de la Communauté européenne. Paradoxalement, la bonne qualité de la recherche universitaire en sciences et en ingénierie et la qualité de la formation professionnelle qui permettait à la majorité des jeunes adultes en formation professionnelle d’entrer sur le marché du travail, n’ont pas incité à la mise en route de changements importants. Sous l’augmentation de la demande individuelle et sociale d’éducation tertiaire, alimentée par les compétences exigées par le marché du travail, la vigueur croissante du savoir comme force motrice de l’activité et des performances économiques, des changements touchant l’ampleur, la nature et la valeur de la recherche dans son acception large et d’une dynamique « européenne », l’éducation tertiaire a fait alors l’objet de réformes importantes. La création des HES en Suisse, élément de nature conjoncturel, correspond aussi à un mouvement d’harmonisation des formations universitaires au niveau européen. La transformation des écoles supérieures en Hautes écoles
spécialisées vise à élargir l’offre
de formations universitaires en Suisse en y incluant des filières
de formation du niveau des hautes écoles, de caractère à
la fois scientifique et pratique et à renforcer l’euro compatibilité
des diplômes. L’un des objectifs qui a présidé
à la naissance des HES a été aussi d’élargir
la fonction des écoles qui jusque-là était limitée
à l’enseignement en leur confiant des tâches de recherche
appliquée, de développement et de prestations de services
à l’intention de l’économie (transfert de connaissances
et de technologies). Si la coopération avec les milieux économiques
ou institutionnels existait déjà, il en allait tout autrement
pour la recherche. Notre propos n’est pas d’écrire l’histoire de la science de l’information ; des auteurs l’ont fort bien fait avant nous et leurs écrits ont d’ailleurs nourri notre réflexion aussi nous ne faisons que mettre en lumière quelques aspects qui nous semblent importants. Nous voulons montrer que la création de notre revue s’inscrit dans un contexte scientifique spécifique et dans un développement social et historique. Une discipline des sciences humaines et socialesLorsqu’on parle de science de l’information la première
question que l’on pose généralement est : la science
de l’information est-elle une discipline scientifique ? Et ceux
qui posent cette question tentent bien souvent de vous prouver que non. On peut, à juste titre s’étonner de voir que la science
de l’information a été élevée au rang
de « science » seulement quelques décennies après
sa création. Prenant comme point de départ cette affirmation
de Bourdieu (1976 : 99), « la science n’a d’autre fondement
que la croyance collective dans ses fondements que produit et suppose
le fonctionnement même du champ scientifique », la science
de l’information vient alors s’intégrer dans la famille
des sciences et spécifiquement des sciences humaines et sociales.
Qu’est-ce que la science de l’information ? Les définitions
lexicales permettent de donner une description et de délimiter
des frontières aux sujets couverts par le champ, mais elles ne
peuvent en donner une compréhension plus approfondie. « Information
science is that discipline that investigates the properties and behavior
of information, the forces that govern the flow and use of information,
and the technique, both manual and mechanical, of processing information
for optimal storage, retrieval and dissemination» (Borko, 1968 :
3). L’objet d’étude de la science de l’informationL’objet d’étude de la science de l’information
est encore à l’heure actuelle matière à débat
et loin d’être unanimement partagé au sein de la communauté
scientifique, divisée qu’elle est entre plusieurs approches
théoriques de l’univers informationnel et donc de l’objet
même de la discipline. A cette instabilité correspond une
certaine fragilité de ses fondements intellectuels. La science
de l’information s’intéresse avant tout à l’élaboration
sociale et au partage du savoir. Tout type de savoir étant concerné,
qu’il s’agisse de savoir pratique, technique, scientifique,
encyclopédique. Quant à l’élaboration et au
partage, ils se réalisent dans des contextes sociaux et culturels
divers que ce soit une communauté scientifique, professionnelle,
culturelle, nationale, internationale ou une organisation humaine telle
une entreprise, une université, etc. Pour Le Coadic (1994 : 31),
la science de l’information a pour objet « l’étude
des propriétés générales de l’information
(nature, genèse, effets) c’est-à-dire plus précisément
l’analyse des processus de construction, de communication et d’usage
de l’information et la conception des produits et des systèmes
qui permettent sa construction, sa communication, son stockage et son
usage ». C’est la vision défendue par Taylor, Goffman,
Zunde qui la définissent comme une science empirique qui cherche
à établir des principes généraux afin d’expliquer,
de quantifier et de prédire des phénomènes. Selon
l’acception nord-américaine défendue par Brookes ou
Shera, la science de l’information a pour objet scientifique l’information
à travers le message, sa forme, ses codes. Pour Saracevic ou Salton,
l’objet est limité à un type d’information,
l’information scientifique et technique. Fondin (2001 : 116) définit
l’objet de la science de l’information comme « le système
d’échange entre différents acteurs autour d’une
recherche d’information dont on veut comprendre le fonctionnement
et surtout le rôle qu’y joue chaque acteur, pour éventuellement
intervenir dessus ». Varet la définit comme « une discipline
rigoureuse » et, pour cet auteur, c’est en édifiant
une science de l’information que nous saurons un jour ce qu’est
l’information pas avant, car si l’objet était connu
avant que d’être étudié, cela voudrait dire
que nous n’avons aucun besoin d’en instaurer la connaissance.
Les caractéristiques de la science de l’informationLa science de l’information présente trois caractéristiques
générales qui marquent son évolution. On peut aussi
les voir comme des problématiques que traite, ou en tout cas que
devrait traiter, la science de l’information. Le champ de la discipline et des recherchesL’autonomie du champ est un autre élément fondamental,
mais dans le cas d’une science humaine en constitution, celle-ci
ne peut être que faible. Autant l’élaboration conceptuelle,
que la légitimation, doit s’opérer en se tournant
vers l’extérieur du champ disciplinaire, en direction d’autres
sciences. Selon nous, cela ne dévalorise en rien ce champ de savoir,
l’une de ses forces consistant justement à savoir se tourner
avec discernement vers les champs extérieurs. Influencée par la théorie de Shannon, la problématique classique des recherches en science de l’information est selon Fondin celle du codage et du décodage de « l’information – contenu » et de sa bonne transmission. Il s’ensuit soit une préoccupation orientée vers le « document – message » souvent d’ailleurs assimilée au lieu de conservation, soit une « approche – objet » vers le système technique qui en assure le traitement et la transmission, soit une « approche – système ». Les professionnels ont encore une autre expression pour exprimer le changement de logique de fonctionnement, ils parlent de « logique de stock vers une logique de flux », slogan à connotation économique. Dans le domaine organisationnel, les chercheurs ont un intérêt commun pour les systèmes d’information mais, informaticiens et spécialistes de l’information sont également intéressés par l’interaction homme - ordinateur. En même temps qu’ils élargissent le contexte des activités d’information, les spécialistes de l’information examinent de nouveau la nature de l’information qu’ils traitent. En faisant remonter les origines de la science de l’information au travail des documentalistes, dans la première moitié du vingtième siècle, on met une forte emphase sur le texte comme forme de base de l’information. Aujourd’hui, il est admis que l’on doit considérer d’autres représentations de l’information, comme égales aux phrases verbales. Cet élargissement du contexte dans lequel les spécialistes de l’information placent leur travail est naturellement lié à l’extension d’activités. Il serait bon, de ce point de vue, de comparer les sujets couverts à l’heure actuelle, dans les revues de science de l’information avec les sujets traités auparavant. Ceci donne une autre raison de penser qu’il est probablement peu profitable d’essayer de tracer une frontière autour de la science de l’information : ses limites changent constamment. La méthodologie de la science de l’informationLe problème de la méthodologie en science de l’information
est un domaine encore peu exploité. Du fait que le champ d’étude
est vaste, la science de l’information embrasse différentes
méthodologies. Quand on les examine, on voit qu’elles couvrent
quelques techniques aisément reconnaissables en sciences sociales.
Sur une cartographie virtuelle de la discipline, certains pics sont fondés
sur des méthodologies dures (analyses bibliométriques par
exemple), et d’autres sur des méthodologies molles (études
d’usagers par exemple), dans quelle mesure peut-on développer
le terrain intermédiaire ? Les questions de base qui intéressent
la science de l’information peuvent, dans certains cas, recourir
à un mélange d’approches dures et molles pour une
résolution adéquate. Par exemple, la recherche documentaire
a deux composants – comment les usagers décident de ce qu’ils
veulent comme information et comment, une fois cette décision prise,
décider de l’obtention de l’information. En termes
méthodologiques, le premier est l’issue « molle »
et le second la « dure ». Pour résoudre la plupart
des problèmes en science de l’information, il est parfois
nécessaire d’avoir recours à deux types de méthodologies
mais selon nous, c’est plus une force qu’une faiblesse pour
la discipline. La science de l’information, s’est appliquée
depuis une dizaine d’années au moins, à tirer parti
des possibilités d’améliorer les analyses quantitatives
et qualitatives concernant les relations dynamiques qui unissent des collectifs
d’objets au sein de diverses communautés et leurs modes de
représentations graphiques (analyses des communautés, cartographies
de recherches, etc.) dans un ensemble de recherches formalisées
dans la scientométrie. Des évolutions sont aussi perceptibles
du côté de l’ingénierie documentaire, renforcées
par l’apparition des mémoires numériques portées
par Internet. L’importance grandissante des méthodes d’analyses
statistiques et la nécessité de décrire les phénomènes
d’émergence de formes stables et instables au cœur de
corpus hétérogènes ont renforcé l’usage
de modèles comme les graphes conceptuels par exemple. Les pratiques,
les comportements et les usages se développent aussi en interaction
directe avec l’environnement. La question de la méthodologie nous renvoie à la question des différences entre les disciplines, les sciences dites « dures » arguant qu’il existe une « méthode scientifique » unique et générale. Or, il existe des différences profondes entre les disciplines, portant sur la méthodologie scientifique. On s’accorde pour reconnaître que les sciences humaines sont moins avancées que les sciences de la nature et, effectivement, il est vrai que certains corps de connaissances ne sont pas acceptés par tous les chercheurs d’une discipline comme c’est le cas dans des sciences « dures ». Mais, peut-on dire que cette absence de consensus est réellement liée à un développement insuffisant ? Evolution de la disciplinePour savoir où va la science de l’information, il est nécessaire
de regarder son histoire pour déterminer les courants qui se dessinent.
Depuis quelques années, bibliothécaires et documentalistes
se penchent sur leur histoire (Histoire des bibliothèques, Histoire
de la documentation, Histoire de l’information scientifique et technique
etc.). La base scientifique de la discipline constitue un thème
récurrent, parmi les enseignants et les chercheurs. Bien que les
problèmes relatifs à l’information et à son
maniement aient toujours existé, la science de l’information
est essentiellement une création de la seconde moitié du
vingtième siècle. Le terme « information scientist
» apparaît dans les années 50 et décrit un scientifique
qui est un professionnel de l’information. En 1955, Farradane invente
le terme « science de l’information » impliquant qu’il
représente une discipline académique plutôt qu’une
activité professionnelle. L’ « information scientist
» est décrit comme étant proactif en cherchant, numérisant
la littérature et présentant les résultats à
ses clients. Il est aussi caractérisé comme ajoutant de
la valeur à son travail en évaluant la littérature
qu’il a cherché, ignorant le matériel de mauvaise
qualité et attirant l’attention sur certaines références
clés. Dans les années 50, le mot scientifique a une image
attirante en Grande-Bretagne en étant associé aux technologies
de pointe ; les « information scientists » sont impliqués
dans les renseignements militaires, dans la recherche médicale
ou encore la production d’électricité à bas
prix ! On trouve aussi dans l’histoire de la science de l’information
un lien entre les dénominations « special librarians »
et « information officers ». Dans les pays francophones, on
utilise le terme documentaliste pour information scientist. Bibliothéconomie et science de l’informationLes relations entre la bibliothéconomie et la science de l’information sont souvent ambiguës et floues. Dans ce débat récurrent, la science de l’information apparaît généralement comme une discipline à portée théorique beaucoup plus grande que la bibliothéconomie ou la documentation, celles-ci étant perçues comme des domaines professionnels. « The aim of librarianship at whatever intellectual level it may operate is…to bring to the point of maximum efficiency the social utility of man’s graphic records, wether the patron served is a child absorbed in his first picture book or the most advanced scholar engaged in some esoteric inquiry » (Shera, 1972 : 113). Dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences de l’information
et de la communication, la bibliothéconomie est définie
comme « l’ensemble des processus, règles, moyens humains
et financiers à mettre en œuvre pour offrir les meilleurs
produits et/ou services, au moindre coût, en tenant compte des besoins
des consommateurs (clients ou usagers du service de la bibliothèque)
». Ou encore pour Line, c’est un ensemble composite de connaissances,
de compétences et de pratiques qui sont pour la plupart tout aussi
utiles dans d’autres domaines professionnels. Calenge l’aborde
avec quatre définitions recouvrant l’ensemble du concept
: Tout se passe comme si la discipline était tiraillée entre
d’une part, une science de l’information partie intégrante
de la démarche des sciences sociales et donc appelée à
respecter les règles de la rigueur épistémologique
dans la construction autonome de l’objet, et, d’autre part,
une science de l’information plus portée sur l’ingénierie
documentaire, confortée qu’elle peut être dans cette
voie par une demande plus ou moins pressante qui la pousse à offrir
des « solutions » à des problèmes documentaires.
Reste à se demander comment gérer cette tension. On pourrait
se demander si l’on n’éviterait pas des malentendus
en procédant à l’identification plus précise
des différentes postures avec d’un côté des
enseignants – chercheurs en science de l’information de type
« social scientists » et de l’autre, des spécialistes
de l’information, ingénieurs d’un savoir pratique spécialisés
dans les questions documentaires. Cette distinction poserait la séparation
entre ce qui relève d’abord de la recherche des savoirs et
ce qui appartient au champ de la pratique documentaire. Information et CommunicationPourquoi, par qui, dans quelles conditions rassembler dans un même
ensemble les sciences de la communication et celles de l’information
alors qu’elles appartiennent à deux mondes qui fonctionnent
presque toujours ailleurs de façon séparée ? On peut définir l’objet de la science de la communication
ainsi : « La science de la communication cherche à comprendre
la production, le traitement et les effets des symboles et des systèmes
de signes par des théories analysables, contenant des généralisations
légitimes permettant d’expliquer les phénomènes
associés à la production, au traitement et aux effets »
(Chaffee et Berger, cités par Lazar, 1992 : 4). Wolton rejette l’existence d’une discipline : « La
communication est un objet de connaissance interdisciplinaire, à
la mesure de sa dimension anthropologique, et cette dimension de carrefour
doit être préservée pour éviter une spécialisation,
apparemment rassurante mais en fait réductrice et appauvrissante
». Wolton recommande de se servir du capital d’expérience
et de connaissance des disciplines qui participent du champ de recherche,
de favoriser la production de connaissances et non la description, de
penser la communication dans son contexte et de contribuer à la
construction du milieu scientifique en favorisant les revues. L’apport de RESSIDans ce contexte, il va de soi que répondre à la question
« pourquoi RESSI ? » est aussi malaisé que nécessaire,
pour des raisons inhérentes à l’essence même
de la connaissance informationnelle plutôt qu’à la
conjoncture dans laquelle s’inscrit la création d’une
nouvelle revue scientifique. RESSI se propose donc de contribuer à cet effort avec toutes les forces qu’elle pourra puiser dans la faveur de son public de lecteurs, dans la confiance de ses auteurs et dans le soutien des membres du comité de lecture. C’est pourquoi elle ouvre ses pages à toutes les tendances et domaines de la science de l’information dans l’espoir d’accueillir dans chacun de ses numéros des articles reflétant des théories concurrentes, des méthodologies diverses et des orientations épistémologiques différentes. Cette volonté de pluralisme n’est pas synonyme de rabais scientifique, autrement dit si RESSI est ouverte à tous les aspects et les points de vue, elle n’est pas pour autant disposée à accueillir des opinions personnelles non fondées ou des données de recherche lacunaires. Le niveau scientifique des membres du comité de lecture, appelés à expertiser les textes qui seront proposés, constitue une garantie suffisante du sérieux avec lequel nous avons l’intention de nous acquitter de cette tâche difficile. Car il s’agit d’offrir à la communauté suisse et internationale une nouvelle tribune sur laquelle viendront se rencontrer, s’affronter et se mesurer les expressions de la science de l’information avec l’espoir de contribuer à l’impression d’un souffle nouveau à la connaissance informationnelle. Décembre 2004 BIBLIOGRAPHIEBENOIT, Denis. Introduction aux sciences de l’information et de la communication. Paris : Ed. d’Organisation, 1995 BORKO, H. Information science : what is it ? American Documentation, January 1968, 19 (1), p. 3 - 5 BOUGNOUX, Daniel Sciences de l’information et de la communication : textes essentiels. Paris : Larousse, 1993 BOURDIEU, Pierre. La cause des sciences. Comment l’histoire sociale des sciences peut-elle servir le progrès de ces sciences. Actes de la recherche en sciences sociales, 1995, n° 106-107, p. 3-10 BOURDIEU, Pierre. Le champ scientifique. Actes de la recherche en sciences sociales. 1976, 2-3, p. 99 BOURE, Robert. Quelle histoire pour les sciences de l’information et de la communication ? In. BOURE, Robert (Ed.). Les origines des sciences de l’information et de la communication : regards croisés. Villeneuve d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion, 2002. P. 17-44 BUCKLAND, Michael, LIU, Zimmimg. History of Information Science. Annual Review of Information Science and Technology (ARIST).1995, vol. 30, p. 385- 415 CALENGE, Bertrand. Peut-on définir la bibliothéconomie ? essai théorique. Bulletin des Bibliothèques de France, 1998, t. 43, n° 2, p. 8-20 COSSETTE, André. Humanisme et bibliothèques : essai sur la philosophie de la bibliothéconomie. Montréal : ASTED, 1976 DESCHATELETS, Gilles. Bibliothéconomie vs science de l’information
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Date de création : 10.01.2005 |