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Retours sur le colloque "Partager pour gagner" à la Haute Ecole de Gestion (HEG) de Genève, 30 septembre 2004 par Hélène Madinier [1]


1527 mots

 

Mots-Clés : Knowledge Management, Gestion des connaissances, Gestion de l'information, Haute Ecole de Gestion (GENEVE), Suisse romande


Le 30 septembre 2004 s’est tenu à la Haute Ecole de Gestion (HEG) de Genève un colloque sur la gestion des connaissances, qui a rassemblé plus de 100 participants, représentant des grandes entreprises, des PME, des associations et organismes à but non lucratif, ainsi que des administrations cantonales et communales.

Le thème de gestion des connaissances (connu surtout sous son nom anglais, knowledge management, abrégé en KM) a été choisi car il suscite actuellement un fort intérêt dans les domaines de la gestion, de l'informatique et de la gestion de l'information, tout en demeurant un peu abstrait, en Suisse romande.

Pourquoi partager des connaissances? Comment favoriser cette création et ce partage? Quels sont les modèles à suivre, les écueils à éviter, les outils, et les modes d’organisation à adopter? Quels sont les liens avec la veille, avec les réseaux? Quels sont les métiers les plus concernés?
Telles étaient les questions auxquelles l’ensemble des interventions a tenté de répondre.

Le programme comportait une séance en plénière et des sessions parallèles, ce qui permettait à la fois de refléter la diversité des expériences, méthodes, formes et outils du KM, et d’offrir un plus grand choix aux participants.
Les sessions portaient respectivement sur les pratiques du KM, le management, les réseaux/communautés et les outils du KM.

La notion de KM

La séance plénière était animée par Jean-Yves Prax, expert français en KM et directeur de l’entreprise de conseil Polia Consulting.
Pour Jean-Yves Prax, le KM a comme intérêts majeurs de favoriser la transmission du savoir, et l'émergence de l'innovation.
La notion de KM trouve ses fondements théoriques notamment dans le corpus scientifique des sciences cognitives. Elle trouve également sa légitimité dans les pratiques: pratiques dues aux nouvelles technologies (Internet essentiellement) favorisant une meilleure information, de nouvelles formes de travail comme le travail à distance et asynchrone, bousculant les notions classiques de hiérarchie; pratiques liées aux changements économiques comme l'entreprise étendue (échanges avec fournisseurs, partenaires, clients), le développement du secteur tertiaire, et les perspectives prochaines de départs à la retraite massifs de cadres expérimentés (papy-boom).
Le knowledge management se rattache à deux notions fondamentales: la connaissance et les collectifs humains.
A partir de là, J.-Y. Prax a précisé:

  • quels sont les supports de l'apprentissage: l'écoute, la pratique, l'échange etc,
  • quels sont les types de communautés et leurs fonctions: échanger, capitaliser, travailler ensemble,
  • quels sont les outils utiles pour les soutenir,
  • quelles méthodes existent pour les faire vivre: capitalisation, communautés de pratiques, annuaires d'expertise, cartographie des compétences.

Le cercle du savoir se décline ainsi:
Créer les connaissances nouvelles (innovation), accéder aux connaissances existantes et les exploiter (améliorer les processus), pérenniser et transmettre les connaissances cruciales (construction d'un capital de connaissances), ce qui peut permettre de créer des connaissances nouvelles etc..

Mais il ne peut y avoir de partage des connaissances sans un management approprié: comme l'expliquait Paul Vanderbroeck dans son intervention, pour instaurer un réel partage de connaissances au sein de l'entreprise, il faut souvent faire évoluer les modes de management et se transformer en entreprise apprenante: entreprise qui favorise l'apprentissage à partir des erreurs, et qui permet de créer un climat de confiance.


Récits d'expériences

La dimension ressources humaines du KM a été présentée par la banque Lombard Odier Darier Hentsch et Cie au travers de son projet de gestion des compétences.
Le but du projet était d'offrir un outil unique et partagé pour les processus RH: d'une part rendre le collaborateur propriétaire de ses données et de l'autre, donner au manager un accès facilité aux données de son équipe.
Ce projet a permis une meilleure compréhension (et donc, intégration) des ressources humaines et de leur rôle dans l'entreprise.

L'utilisation du KM comme outil de résolution de problèmes a été exposée par le consultant André Boder, qui montrait qu'avant tout, le KM sert à mettre à plat des processus, à caractériser des situations, à amener les collaborateurs d'un ou de plusieurs services, à expliciter des modes de fonctionnement, à mieux communiquer, et à être plus performant.

Le KM c'est aussi et surtout des échanges entre communautés et autres réseaux. A cet égard, l'expérience récente de la Chambre de commerce et d'industrie de Grenoble, commentée par Isabelle Brun-Buisson, est représentative.
La CCI de Grenoble a mis en place et anime la plate-forme collaborative Ecobiz, permettant l’échange de connaissances et d'expériences entre entreprises et autres acteurs économiques de l’Isère. Cette plate-forme abrite une vingtaine de communautés thématiques, qui reçoivent régulièrement des informations ciblées et se rencontrent plusieurs fois par année.
L'expérience de Rezonance, entreprise organisatrice des «First Tuesday» est aussi intéressante. Elle organise régulièrement des rencontres-événements sur un thème spécifique et réunit tous les acteurs intéressés (entreprises, étudiants, administrations). Ces rencontres, qui sont prolongées par un site Internet, favorisent ainsi la création de réseaux. Sa responsable, Geneviève Morand, expliquait l'importance fondamentale des réseaux et du réseautage dans la réussite économique, ainsi que la façon de développer ses aptitudes en réseautage.

Enfin, la partie sur les outils comportait plusieurs démonstrations: de l'outil Knowings, de Mayetic Village, et de la plate-forme Wiki mise en place par des professeurs d'informatique à la HEG.
Mais tous ces intervenants s'accordaient sur le fait que l'outil doit être au service du projet de KM et non s'y substituer, ce qui est parfois une des causes d'échec des projets de KM.

Les liens entre gestion des connaissances et gestion de l'information

Les liens entre gestion des connaissances et gestion de l'information étaient mentionnés lors de l'exposé principal (Jean-Yves Prax), évidents dans l'exposé sur le projet de veille réalisé auprès de quelques PME de Suisse romande (Evelyne Deferr), et détaillés plus précisément dans la description des différents rôles intervenant lors d'un projet de gestion des connaissances (Hélène Madinier).

Si l'on résume l'exposé concernant les différents rôles et plus spécifiquement le rôle de gestionnaire de l'information dans un projet de KM, il faut rappeler que la gestion des connaissances est "un ensemble de modes d'organisation visant à créer, collecter, organiser, stocker, diffuser, partager, utiliser et transférer la connaissance dans l’entreprise" (CIGREF, 2000) [2].
Cette connaissance est aussi bien représentée par des documents, internes ou externes à l'entreprise, que par des expériences et savoir-faire des collaborateurs.

Même si la connaissance explicite n'est qu'une partie de la connaissance -l'autre étant la connaissance tacite-, on voit nettement quel peut être le rôle des gestionnaires de l'information lorsqu'il s'agit de la collecte, de l'organisation, du stockage et de la diffusion des documents externes et internes à l'entreprise, et donc des connaissances explicites.
La gestion de ces connaissances est donc a priori une préoccupation permanente et ancienne des professionnels de l'information.
Malgré cela, force est de constater qu'ils ne sont pas -loin s'en faut- systématiquement associés aux projets de KM; souvent, ils doivent y revendiquer leur place.

La pratique amène à constater deux tendances:

Tout d'abord, les responsables de projets de KM font parfois appel à des professionnels de l'information pour leurs compétences en matière d'organisation, de classification de l'information, ou de recherche d'information.
Parallèlement, la profession se diversifie et élargit sa sphère d'activité. Si, traditionnellement, les gestionnaires de l'information intervenaient principalement sur l'information externe ou non directement opérationnelle, on constate désormais que le rôle du gestionnaire de l'information affecte également l'information stratégique de l'organisation, l'information directement utile, et cela en mettant en oeuvre des dispositifs correspondant au plus près à des besoins spécifiques, comme par exemple:

  • l'organisation d'une veille,
  • la mise en place d'un records management,
  • la création d'un répertoire de ressources électroniques,
  • la conception et réalisation d'un site Intranet ou Internet.

Son rôle évolue ainsi de support à un projet de gestion de connaissances, à celui de responsable d'un projet de gestion des connaissances explicites de l'organisation.

Conclusion

De l'ensemble des exposés, on retiendra ces quelques points qui caractérisent à la fois les conditions d’existence d'une gestion des connaissances et ses chances de succès:

  • Le KM suppose l'existence et la structuration d'un collectif humain:
    • ce collectif peut être aussi bien intra que inter-entreprise,
    • il faut prendre conscience de ce collectif et exploiter ses possibilités en créant une culture d'entreprise appropriée.
  • Le partage de connaissances nécessite une communication approfondie et structurée au sein de ce collectif, et en particulier:
    • le partage d'expérience, l'explicitation du non-dit, sa verbalisation, qui induit légitimation, reconnaissance et motivation,
    • des outils spécifiques au service de ce collectif (sites Intranet, Internet, portails...) structurant et prolongeant cette communication.
  • Le KM suppose une gestion et une animation de ces collectifs, qui font le lien entre ses membres:
    • tout d'abord une médiation, soit via un expert externe, ou un responsable de projet, qui met à plat, fait expliciter et coordonne
    • ensuite via un animateur ou un coordinateur, qui fédère, coordonne, maintient les liens de manière continue au sein d'une communauté.

Ce sont à ces conditions que peut exister et se maintenir une gestion des connaissances efficace au sein d'une organisation, et donc une meilleure cohésion, reconnaissance, motivation, et finalement une amélioration des performances.

Notes

[1] Fichiers des présentations des interventions: http://campus.hesge.ch/symposiumkm/telechargement_skm.asp
[2] CIGREF: Club informatique des grandes entreprises françaises http://www.cigref.fr/cigref/

© Ressi, no.1, janvier 2005, ISSN 1661-1802, tous droits réservés Retour en haut de la page

Date de création : 10.01.2005
Date de dernière mise à jour : 10.01.2005