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L'intérêt d'évaluer tout système de Records management: enseignement de la pratique dans un département de l'Etat de Genève.
par Céline Tissot

Résumé

Malgré les bénéfices qu'il peut apporter, la mise en place d'un programme de Records management au sein d’une institution ne va pas de soi: cela implique généralement le bouleversement des pratiques en place.

Tout comme l'acceptation de tels changements n'est possible qu'en accompagnant de façon soutenue les utilisateurs, le maintien du système nécessite la planification de contrôles réguliers. Cette étape est d’ailleurs clairement mentionnée dans la norme ISO 15 4 89 Records management.

Dans quel contexte une évaluation est-elle possible ? Comment se prépare t-elle ? Quels en sont les bénéfices attendus ? C’est pour répondre à ces questions que je souhaite partager ici mon expérience.

Mots-Clés : Évaluation ; contrôle ; records management ; DASS ; DES ; État de Genève


INTRODUCTION

Je ne reviendrai pas ici sur les avantages que peut retirer une organisation, quelle qu'elle soit, à instaurer un programme de Records management pour gérer ses documents. Nombre d'ouvrages et d'articles ont développé cet aspect en détail.

Malgré les bénéfices qu'il peut apporter, la mise en place d'un tel programme ne va cependant pas de soi: cela implique généralement le bouleversement des pratiques en place, l'introduction de nouvelles procédures de travail, voire d'une nouvelle culture au sein de l'institution concernée.

Tout comme l'acceptation de tels changements n'est possible qu'en accompagnant de façon soutenue les utilisateurs, le maintien et la pérennité du système nécessite la planification d'évaluations, d'audits réguliers.

Cette étape est d’ailleurs clairement mentionnée dans la norme ISO 15 4 89 Records management, qui préconise de "procéder régulièrement à un contrôle de conformité, pour s'assurer que la mise en œuvre des méthodes et procédures du système d'archivage respecte les politiques et les contraintes de l'organisme et que les résultats correspondent aux attentes. Il convient que de tels contrôles prennent en compte la performance du système et la satisfaction des utilisateurs". En bref, pas de système de Records management pertinent et efficient sans contrôle périodique.

En tant qu’archiviste de l’ex Département de l’action sociale et de la santé du Canton de Genève, ou DASS (je suis aujourd’hui archiviste du nouveau département de l’économie et de la santé, le DES), j'ai eu l'occasion de définir une politique départementale de gestion des documents, de mettre en place un système de Records management, et d'aller jusqu'à cette étape capitale qu'est l'évaluation. Je souhaite ici partager cette expérience en expliquant dans quel contexte cela a été possible, les raisons qui ont motivé ce projet et enfin le plan d'action défini pour mener à bien ma mission.

1.Quel contexte pour quelle évaluation?

a) Contexte législatif genevois

A Genève, l’activité des archivistes de département s’inscrit dans le cadre d’une série de législations cantonales. La principale référence est la loi sur les archives publiques (LArch B 2 15) du 1er décembre 2000, complétée par son règlement d’application du 21 août 2001. Ces textes, issus d’une refonte complète de dispositions antérieures (1), devenues au fil du temps et des remaniements partiels obsolètes, incomplètes ou franchement disparates, s’appliquent à l’ensemble des archives publiques genevoises; celles-ci sont formées des fonds d’archives et collections réunis aux Archives d’État (AEG), et des archives des institutions publiques, qu’il s’agisse des institutions dépendant de l’ancienne République de Genève, des autorités législatives, exécutives et judiciaires, des autorités communales, de leurs administrations et commissions respectives ou des établissements et corporations de droit public cantonaux et communaux. Outre la définition classique de concepts archivistiques empruntée à la littérature professionnelle, le législateur (le Grand Conseil) et son pouvoir exécutif (le Conseil d’État) ont choisi de faire figurer dans les différents articles un ensemble de dispositions relatives à l’organisation de l’archivage, au traitement des dossiers et à leur diffusion.

Une nouvelle loi dédiée à l’information du public et à l’accès aux documents (LIPAD A 2 08) est par ailleurs entrée en vigueur le 1er mars 2002. Désormais, ce n’est plus le secret qui est la règle, mais bien la publicité de l’information, " dans toute la mesure compatible avec les droits découlant de la protection de la sphère privée, en particulier des données personnelles, et les limites d’accès aux procédures judiciaires et administratives " comme le stipule d’emblée l’article 1. Cette législation présente la particularité d’obliger explicitement, dans son article 17, " les institutions publiques à adopter des systèmes adéquats de classement des informations qu’elles diffusent ainsi que des documents qu’elles détiennent, afin d’en faciliter la recherche et l’accès ". Au moment de son entrée en vigueur, les dispositions transitoires de l’article 41 leur octroyaient " un délai de deux ans ?…? pour adopter et mettre en oeuvre des systèmes de classement de l’information et des documents qu’elles détiennent qui soient adaptés aux exigences de la présente loi ".

Ces injonctions ont eu pour effet bénéfique la création de plusieurs postes d’archivistes de département dont la mission fondamentale, une fois accomplie la mise en place de ces systèmes, s’inscrit dans le cadre plus général de la législation sur les archives publiques.

b) Politique de gestion documentaire du DASS

Début 2003, le Département de l’action sociale et de la santé a engagé une démarche d'organisation de sa gestion documentaire dans le but de répondre aux besoins de ses collaborateurs en adoptant un système clair, rationnel et efficace. Cette démarche s'inscrit en outre, comme cela vient d’être précisé, dans un mouvement général amorcé au niveau de l'Etat: l'entrée en vigueur de la LIPAD a engendré la nomination d'un archiviste responsable au sein de chaque département pour assurer une bonne gestion des documents, conformément aux besoins exprimés par les collaborateurs et aux principes édictés par les Archives d'Etat.

J'ai ainsi été mandatée pour conduire l'analyse des besoins du département en la matière, avec comme objectif de proposer une politique de gestion des documents conforme à la fois aux besoins du département, aux dispositions légales cantonales et aux normes de Records management. Ce travail s'est fondé sur l'étude des activités et missions du département, sur la nature des dossiers qui en découlent, sur l'évaluation des systèmes de classement existants ainsi que sur les conditions de stockage et de conservation des archives.

Plusieurs constats se sont imposés suite à cette analyse:

  • Tout d'abord l'existence d'une grande disparité au sein du DASS en matière de gestion des archives. Certains services avaient en effet instauré des politiques de gestion des documents s'accordant avec les recommandations légales ; d'autres avaient mis en place des plans de classement thématiques qui répondaient aux besoins du service, mais dont l'organisation générale devait être revue ; d'autres encore ne disposaient d'aucun système cohérent.
  • Ensuite la gestion des archives intermédiaires n'était pas organisée, ce qui provoquait des problèmes de repérage, voire de perte de l'information à moyen et long terme, ainsi que de sérieux problèmes de stockage. Un important arriéré d'archives existait dans la majorité des services, qu'il a été nécessaire de traiter rapidement afin de pouvoir procéder à des éliminations et à des versements d'archives aux Archives d'Etat. Cette étape a été essentielle pour pouvoir repérer et préserver les documents importants qui étaient jusqu'alors conservés dans des conditions inadaptées, et libérer des espaces de stockage.

A partir de ce premier état des lieux, les besoins du département ont pu être clarifiés et précisés. En voici la liste:

  1. unifier le processus de traitement et de classement des documents
  2. repérer rapidement l'information recherchée
  3. avoir une vision globale des documents produits ou reçus au sein du département
  4. limiter la masse de papier et éviter les doublons entre services
  5. assurer une meilleure circulation de l'information au sein du département
  6. assurer une bonne gestion du cycle de vie des documents pour éviter toute accumulation de documents devenus inutiles
  7. définir des responsabilités vis-à-vis des documents
  8. répondre aux exigences légales fixées (citées plus haut)
  9. s'inscrire dans une dynamique transversale commune aux départements de L'Etat en définissant des principes communs de Records management.

Parallèlement à l'analyse des besoins, l'étude organisationnelle du département a permis de relever les caractéristiques suivantes:

  • une bonne répartition des niveaux de responsabilités décisionnelles entre les directions, la présidence et le secrétariat général
  • une grande disparité entre les activités des différents services opérationnels et peu de points communs dans leur fonctionnement.
  • un éclatement géographique du département (7 sites différents).

L’élaboration de la politique de gestion documentaire devait nécessairement prendre ces facteurs en considération. Il est en effet important de s’adapter à la réalité de l’institution pour laquelle on travaille, afin de lui fournir un système qui soit applicable et appliqué. Il n’y a pas de système unique que l’on peut instaurer de façon systématique, il s’agit au contraire de trouver la bonne combinaison de procédures archivistiques qui correspondent à l’organisation de l’institution et qui répondent à ses besoins. Des changements organisationnels peuvent cependant être proposés s’ils permettent d’améliorer la gestion des documents de façon significative. Dans ce cas de figure, une analyse approfondie doit être faite pour définir les avantages que l’on en retirera ainsi que des ressources que cela implique.

Quatre axes ont été suivis durant cette année et demie écoulée afin de mettre en œuvre la politique définie.

1er axe - Gestion des archives courantes

Le travail entrepris a consisté, d’une part, à recenser et évaluer l’ensemble des dossiers traités au sein de chaque service afin d’avoir une cartographie complète de la production documentaire du département, et, d’autre part, à unifier le système de classement en définissant un cadre de classement départemental, appliqué dans tous les services. Ceci a abouti à:

  • l'application d'un plan de classement normalisé au sein de chaque service pour les dossiers papiers.
  • la mise en place d'une gestion cohérente des documents bureautiques: des arborescences de référence ont été développées au sein de chaque service, conformément au plan de classement défini. La même logique de classement est donc adoptée pour les dossiers papier et informatique, ce qui facilite les recherches des utilisateurs. Ceci permet en outre d'éviter la multiplication des doublons et des versions de documents: un document n'est classé qu'une seule fois et disponible pour tous, son état (document de travail, version validée,…) est précisé clairement soit dans son titre, soit dans ses propriétés.

2ème axe – Gestion des archives intermédiaires

Deux actions ont été menées en parallèle:

  • le traitement de l’arriéré d’archives des différents services. Ces documents ont été localisés, recensés, analysés puis évalués. Des propositions de destruction ou de conservation ont ensuite été soumises aux Archives d'Etat pour validation. Des destructions et des versements aux Archives d'Etat ont été planifiés et organisés. Ces opérations ont permis d'une part de dégager de l'espace de rangement dans les bureaux, de l'espace de stockage dans les locaux d'archivage, et, d'autre part, de libérer des locaux qui ont pu être réaménagés en bureaux.
  • la définition et la mise en œuvre d’un système de gestion approprié des archives intermédiaires. Une directive très précise a été établie afin de définir le processus d'archivage des dossiers. Tous les dossiers archivés sont dorénavant conditionnés en boites archives et enregistrés dans une base de données, administrée par l'archiviste de département. Cet outil permet de gérer les espaces de stockage, de rechercher rapidement les dossiers archivés, et de gérer les destructions et versements aux Archives d’Etat.

3ème axe – Relations avec les institutions publiques dépendant du DASS

Une enquête a été lancée en mars 2004 auprès des institutions et des services placés sous la surveillance du DASS et soumis à la LIPAD, afin d’établir un état de la situation de la gestion des documents en leur sein.

Au vu de l’importance des résultats attendus, ce travail a été repris en interne suite à l’abandon du projet initial lancé par la Chancellerie en 2002, qui devait concerner l’ensemble des institutions publiques du Canton. L’analyse des besoins en matière de gestion des documents des institutions publiques autres que celles dépendant du DASS reste encore à faire aujourd’hui.

cL’analyse des résultats a rendu possible la diffusion de recommandations personnalisées en matière de gestion des documents aux établissements s’engageant dans un travail d’organisation de leurs archives. Elle a également conduit à organiser des séances de coordination régulières entre les archivistes de la FSASD, de l’Hospice général, des Hôpitaux Universitaires de Genève et de l’archiviste de département afin d’harmoniser les politiques de gestion documentaire développées et de travailler ensemble sur des problématiques communes, comme la gestion électronique des documents par exemple.

4ème axe – Les relations interdépartementales

Des échanges réguliers ont été développés tant avec les Archives d’Etat qu’avec les autres archivistes de département, permettant de mener une action commune et coordonnée. Cette collaboration a notamment abouti à la définition d'un calendrier de conservation de référence pour les dossiers de gestion des administrations publiques genevoises.

En complément à ces quatre axes de travail, des directives ont été émises pour fixer et décrire les processus à suivre à chaque étape de la politique de gestion documentaire départementale, à savoir:

  • la capture des documents dans le système et leur classement: classement des dossiers papiers, classement et description des documents numériques, gestion des mails
  • leur transfert, c'est-à-dire leur passage de l'état d'archives courantes à celui d'archives intermédiaires (utilisation du calendrier de conservation, conditionnement des documents…)
  • la communication des archives
  • le sort final, à savoir la destruction ou le versement des documents aux Archives d'Etat.

Ces directives et procédures d’archivage sont valables pour l’ensemble des services, et doivent y être appliquées de la même façon. Cependant, chaque service est considéré comme une entité productrice et gestionnaire de documents, devant avoir son propre plan de classement. L’ensemble des plans de classement des services sont construits selon la même structure mais adaptés aux besoins spécifiques de chacun. Le tout forme le plan de classement du département, et reflète l’ensemble des activités qu’il dirige.

Le système ainsi défini est un système d’archivage décentralisé, qui correspond au mieux à l’organisation du département identifiée lors de l’analyse des besoins, et décrite plus haut.

Ce qui le caractérise est qu’il n’y a pas de service d’archives à proprement parler, organisé avec plusieurs collaborateurs. Je travaille avec un réseau de correspondants-archives. Un correspondant-archives a été désigné au sein de chaque service par ses supérieurs et moi-même sur des critères de bonne connaissance de son service et des documents qu'il produit. Son rôle est d'être en contact direct avec l'archiviste de département pour participer à l'élaboration et à la mise en œuvre de la politique de gestion des archives au niveau de son service. Il doit être le principal intermédiaire entre l'archiviste et ses collaborateurs.

Ce fonctionnement correspond à la philosophie du département qui veut que les responsabilités soient déléguées au maximum au niveau des services. Je suis donc responsable de la politique de gestion des documents, les correspondants-archives sont responsables de sa bonne application au sein des services. De même, ils gèrent avec moi les archives intermédiaires de leur service, qui sont stockées dans leurs locaux et non dans un dépôt centralisé pour l’ensemble des archives intermédiaires du département. Les correspondants-archives gèrent les demandes de consultation des archives intermédiaires, et veillent à leur intégrité.

Ce choix a été fait en raison de la dispersion géographique des services, pour faciliter la consultation d’archives intermédiaires. Ces correspondants sont le plus souvent des assistantes de direction, qui ont une bonne connaissance de l’ensemble des dossiers traités, et qui ont en outre l’autorité suffisante pour faire appliquer les procédures en interne. L’avantage d’un tel réseau est qu’il est très souple, et que je travaille directement avec les utilisateurs, ce qui permet d’être plus réactif et de mieux comprendre leurs attentes. Le bon fonctionnement d’un tel système suppose de définir clairement les rôles et responsabilités de chacun afin de lever toute ambiguïté. Cela nécessite également d’organiser des séances de coordination régulières avec l’ensemble des correspondants-archives du département, pour les informer des changements ou projets en cours mais surtout pour leur permettre d’échanger sur leurs expériences.

La mise en place d’un tel système représente une réelle démarche de progrès, impliquant une nouvelle perception des ressources informationnelles du département : les documents sont en effet d’autant plus perçus comme des outils d’information, devant être identifiables, contrôlés et accessibles tout au long de leur cycle de vie.

L'accompagnement des collaborateurs est capital dans cette mise en œuvre. J’ai pour cela organisé des séances d'information ainsi que des formations aux personnes plus directement concernées.

Une politique d’archivage est un outil à la fois contraignant et évolutif, dont le bon fonctionnement nécessite un suivi régulier ; c’est pourquoi il est indispensable de dresser un premier bilan des actions engagées, en organisant régulièrement des évaluations du système instauré.

2. Evaluer: pourquoi ?

L'organisation d'une évaluation du système instauré depuis une année et demie nous a semblé une évidence en interne. L'intérêt pour nous était multiple.

Nous souhaitions tout d’abord nous assurer que les procédures définies étaient véritablement comprises et appliquées, qu’elles fonctionnaient et correspondaient donc aux besoins des collaborateurs.

Nous voulions ensuite vérifier que la formation qui a été dispensée aux utilisateurs était pertinente et adaptée, que les actions demandées étaient bien comprises.

Il s’agissait également de prouver que l'ensemble des moyens et outils mis en œuvre garantit l'authenticité et la fiabilité des documents produits.

Enfin, cela permettait de faire le bilan du système, d’en mesurer la performance et les acquis, d’en corriger les dysfonctionnements pour le faire progresser. Ce bilan permet d’éviter l’inadaptation progressive du système et de justifier son existence auprès des instances décisionnelles.

Une évaluation de ce type permet également de mettre en lumière le travail accompli et de communiquer auprès de tous les collaborateurs (cadres et non cadres) sur les avantages attendus.

3. Évaluer, oui, mais comment ?

a-Les bons interlocuteurs: identifier clairement les personnes auprès desquelles sera menée l'enquête

Avant toute chose, il est essentiel de bénéficier du soutien de la direction pour mener cette évaluation. A défaut, les cadres ou chefs de service ne comprendront pas l'importance de l'exercice et auront des réticences à octroyer du temps à leurs collaborateurs pour leur permettre de vous aider. Pour gagner leur soutien, il est nécessaire de leur démontrer les avantages qu’il est possible de retirer de cette évaluation, tels que le gain d'espace, de temps, la mise à jour de procédures, la conformité avec la réglementation…

Le soutien de la direction, seul, ne suffit pas: tout le personnel doit coopérer. C'est essentiel parce que c'est justement le personnel qui n'exerce pas de fonctions directoriales qui vous aidera dans l'audit. Il s’agit donc de trouver ce qu'ils ont à y gagner et de le faire valoir auprès d’eux. Nous avons ainsi mis en avant le fait que les résultats permettraient d’ajuster le système à leurs besoins. Il est important de sélectionner des personnes qui soient à des niveaux hiérarchiques variés. Cela donne une vision plus large et permet d’enrichir la réflexion: un cadre n’aura pas la même perception du système que sa secrétaire qui l’utilise quotidiennement.

Pendant tout le processus, la communication est capitale. J’ai donc organisé des séances d’information avec les correspondants-archives des services à chaque étape de l’évaluation:

  • Lors du démarrage pour leur présenter la démarche adoptée et les outils utilisés dans ce cadre,
  • Après la récolte d’informations pour analyser les réponses faites avec eux, et leur permettre de s’exprimer et d’échanger entre eux,
  • Lors de la présentation du rapport final pour leur exposer les mesures d’améliorations envisagées.

A chaque étape, ces correspondants ont transmis les informations données au sein de leur service, assurant ainsi une communication claire auprès de l’ensemble des collaborateurs concernés.

b-Quelles données recueillir? Identifier clairement les points que vous souhaitez auditer

Les données qu’il est important de recueillir sont définies par la finalité ou les objectifs de l'audit. Quelles sont les données nécessaires pour atteindre ces objectifs? Il faut éviter de recueillir des données qui seront inutiles. La préparation des questions demande une réflexion particulière: il faut en effet prendre en compte plusieurs paramètres:

  • cerner précisément ses objectifs afin de rédiger des questions qui soient le plus précises possible
  • élaborer des questions claires, sans ambiguïté
  • alterner les questions fermées et les questions ouvertes, pour permettre aux personnes de s’exprimer librement, mais sans leur prendre trop de temps (il est beaucoup plus rapide de cocher une case que de rédiger une réponse)
  • limiter le nombre de questions pour que les collaborateurs ne passent pas plus d’une demie heure à répondre. Dans le cas contraire, peu de personnes iront jusqu’au bout et le taux de réponse sera faible.

Sur cette base, j’ai organisé les questions en fonction des grandes thématiques de la politique de records management, afin de couvrir l’ensemble du système en place. Ces thématiques sont les suivantes:

  • le plan de classement : savoir s’il est appliqué pour les dossiers papiers, s’il répond aux besoins, si les répertoires informatiques sont organisés selon ce plan, s’il permet de gagner du temps dans le travail quotidien, de limiter les doublons et s’il facilite les recherches
  • l’archivage et la communication des archives intermédiaires : savoir si le service dispose d’un local d’archives adapté aux normes, si les dossiers sont archivés selon la procédure en vigueur, si les délais de communication des dossiers archivés et les résultats des recherches sont satisfaisants.
  • l’élimination : savoir si la procédure d’élimination est appliquée et si la traçabilité des dossiers archivés est assurée.
  • la formation des utilisateurs : savoir si les formations dispensées sont satisfaisantes et suffisamment fréquentes et s’il y a des suggestions de thèmes à aborder à l’avenir.
  • la performance du système : savoir si ce système facilite les suppléances entre collaborateurs, réduit le temps de recherche, assure la fiabilité de l’information traitée.

26 questions au total ont été posées (en moyenne 4 par grande thématique).

c-Les outils de collecte des données: bien choisir le moyen par lequel sera récoltée l'information

Il existe deux méthodes principales d'enquête ou d'audit: vous pouvez recueillir les données par le biais d’un questionnaire, ou par celui d’un entretien.

J’ai pour ma part utilisé les deux outils, à des étapes différentes.

Les questionnaires

Les questionnaires sont les principaux outils de collecte de données. Mais ils ne sont efficaces que s'il existe une forte implication des collaborateurs. Autrement ils risquent de ne pas prendre le temps de les remplir et de les retourner. Même dans le cas où cette implication existe, il est nécessaire de rédiger le questionnaire avec le plus grand soin pour faire en sorte que les données recueillies soient aussi exactes que possible, comme cela a été expliqué plus haut.

Je me suis servie du questionnaire pour toucher le plus de monde possible. Toutes les secrétaires des services en ont reçu un exemplaire par mail, ainsi que quelques cadres. Il n’a pas été jugé pertinent de l’envoyer systématiquement aux cadres: certains délèguent totalement ces tâches à leur secrétaire, d’autres n’ont pas le temps de remplir le formulaire. Il s’agit donc là aussi de bien réfléchir aux personnes concernées, en prenant en compte les habitudes de travail de chacun et l’organisation des services. 34 personnes ont été interrogées, 6 cadres et 28 secrétaires.

Il est également très important de préciser une date de retour des réponses dans le mail d’accompagnement, sans quoi ce questionnaire sera oublié.

L'entretien

Cette méthode est jugée en général plus efficace que les questionnaires. En rencontrant directement les personnes concernées, vous pouvez effectivement clarifier les données au fur et à mesure, aller plus loin dans les renseignements demandés, consulter les documents concernés, et également soulever des questions qui ne vous étaient pas venues à l’esprit en préparant le questionnaire. Rien ne vaut le contact direct avec les utilisateurs. Cela leur permet de vous connaître et vous permet d’avoir une bonne connaissance de leurs pratiques de travail, des documents qu’ils traitent et des paramètres pratiques à prendre en compte (manque de place dans les bureaux,…). L’inconvénient de l’entretien est qu’il prend beaucoup de temps (compter deux heures pour une personne ou un groupe).

hJ’ai donc privilégié les entretiens avec les correspondants-archives des services uniquement, qui se sont faits en quelque sorte les porte parole des collaborateurs. Il m’a semblé également plus pertinent d’organiser des entretiens en groupe et non pas individuels, pour leur permettre d’échanger entre eux sur des problématiques communes, de connaître ce qui se fait dans les autres services, et de bénéficier de la dynamique de groupe pour récolter le maximum d’informations. Ces entretiens ont été très appréciés et riches d’enseignement pour moi. Cela permet également à ces personnes de se sentir plus concernées par le projet et de s’impliquer beaucoup plus: elles se sont en effet chargées de rassembler les différentes questions des collaborateurs de leur service, et de leur transmettre les conclusions de nos entretiens. L’évaluation est alors perçue comme un partenariat et non pas comme un jugement de leur travail.

d-La conduite de l’audit

Là encore il est important que les collaborateurs ne se sentent pas jugés mais qu’ils participent au contraire à ce travail afin d’améliorer et de faire évoluer le système en place en fonction de leurs besoins. Ceci suppose de communiquer activement et clairement sur le projet et sa finalité. Les moyens de diffuser l’information peuvent être divers : mails, téléphones informels, réunions avec les correspondants-archives…La encore il s’agit de choisir le moyen le plus adapté à la situation.

e-L'analyse des données

Les données recueillies doivent être analysées aussitôt après l’audit. J’ai pour cela procédé en deux temps :

  • j’ai tout d’abord étudié la situation de chaque service, afin de dresser un bilan personnalisé pour chacun.
  • j’ai ensuite analysé ces bilans en détail afin d’identifier les problématiques qui se posent de façon identique à tous les services, et celles qui, en revanche, sont propres à certains.

Cette analyse croisée m’a permis de définir les points forts de la politique de gestion documentaire en place, les points restant à améliorer, et d’envisager des solutions à moyen terme pour faire évoluer ce système.

Pour donner un rapide aperçu de ce que peut représenter la mise en place d’un tel système au sein d’une organisation, je vous livre les conclusions auxquelles a abouti cette évaluation :

De façon générale, le système répond très bien aux attentes des utilisateurs. Les avancées significatives concernent principalement le gain de temps dans les recherches grâce à une meilleure identification et localisation des dossiers, le gain de place tant dans les bureaux que dans les locaux d’archivage, une plus grande facilité à assurer des suppléances entre collaborateurs.

Bien que la mise en place et la tenue à jour soient jugées lourdes, les apports sont significatifs et satisfaisants.

La collaboration développée avec les autres archivistes de département ainsi qu’avec les Archives d’Etat est également très fructueuse et permet de mener des réflexions plus larges, notamment sur la gestion électronique des documents.

La constitution de la cellule correspondant-archives est un réel succès. Elle présente deux avantages:

  • Dans les relations avec chaque service: la présence du correspondant permet de centraliser les demandes et remarques des utilisateurs avant d’en parler avec l’archiviste. Il diffuse d’autre part les informations relatives au système d’archivage et s’assure qu’elles sont comprises et suivies. Il est également sur place et peut donc intervenir directement pour régler des questions rapidement.
  • Au niveau transversal: les séances de coordination réunissant l’ensemble des correspondants-archives et l’archiviste de département sont l’occasion d’ouvrir des débats autour de points précis concernant l’ensemble des services. La confrontation des différents points de vue et situations permet d’enrichir la réflexion et de renforcer la cohérence du système.

Les améliorations à apporter au système doivent se concentrer sur quatre axes:

  • Renforcer la diffusion d’information concernant l’archivage au sein des services.
  • La mise en place d’une gestion électronique des documents. Cette problématique doit être étudiée de façon coordonnée au niveau de l’Etat afin d’assurer une gestion plus cohérente et efficace des documents et de l’information institutionnelle.
  • Cette gestion électronique des documents doit s’accompagner d’un contrôle sur la qualité, la validité, la crédibilité et la pérennité de l'information produite. L’intervention de l’archiviste dès la création des documents doit donc être mise en place pour définir les éléments utiles à l’identification et à la gestion dans le temps de ces documents.
  • Faciliter la circulation et le partage de l’information en interne, notamment par la mise en place d’outils de groupware.

Cette évaluation a donc révélé que ce système fonctionne bien tel qu’il est appliqué actuellement, mais qu’il doit être déployé davantage afin de répondre totalement aux besoins des utilisateurs. Ce déploiement concerne les outils informatiques, qui viendront s’interfacer entre le système de gestion documentaire et les utilisateurs pour faciliter leur travail.

f- Récapitulation des constats et pérennité du système

Ces constats et propositions d’améliorations doivent être présentés aux services concernés ainsi qu’à la direction, qui a apporté son soutien à l’audit. Il s’agit là aussi de choisir le moyen le plus adapté. Dans tous les cas de figure, il est recommandé de rédiger un rapport, dans lequel il faut:

  • être bref et pertinent
  • résumer les conclusions principales et mettre en avant les points les plus importants
  • énumérer les différentes recommandations préconisées
  • établir les priorités
  • inclure un plan d’action pour les tâches à mener: prévision d’un planning, des ressources nécessaires…

Nous avons là encore procédé de deux façons différentes pour diffuser ce rapport :

  • une copie papier a été transmise aux directeurs de service
  • une séance a été organisée avec les correspondants-archives pour leur remettre ce rapport et leur présenter oralement les conclusions. Là encore l’objectif était de susciter la discussion avec eux.

Il aurait été souhaitable d’organiser également une présentation orale pour les directeurs et cadres, mais les restructurations départementales de la fin d’année 2005 ne nous en ont pas laissé le temps. Le DASS est ainsi devenu le DES (Département de l’économie et de la santé), ce qui a engendré l’intégration de nouveaux services, et l’abandon d’autres, rattachés dorénavant à d’autres départements. En ce sens, l’évaluation menée a fait figure de bilan du système à une étape cruciale de la vie du département.

Ces bouleversements organisationnels ont évidemment eu des répercussions sur le système de gestion documentaire en place, qu’il faut réajuster en fonction.

Mais ils représentent également un très bon test d'évaluation de la politique d’archivage; cela permet immédiatement de savoir si ce système peut évoluer et répondre aux nouveaux besoins organisationnels, ou bien s'il devient complètement inadapté et caduque. Nous avons ainsi pu constater que les principes définis permettent d’évoluer pour répondre aux nouveaux besoins. Nous avons surtout pu constater que l’existence d’un tel système était un atout majeur dans le cadre de restructurations comme celles-ci. Il facilite en effet le transfert de dossiers entre service, assure la traçabilité et la fiabilité de l’information quoi qu’il arrive et évite les destructions sauvages de documents. Sans une politique de gestion des documents sérieusement appliquée, ce type de situation peut engendrer des pertes d’informations capitales pour le suivi des affaires.

4- En guise de conclusion

Souvent négligée, l’évaluation d’un système de Records management est pourtant un élément capital et nécessaire à son maintien au sein d’une institution.

Les conclusions auxquelles on aboutit permettent en effet de justifier les actions menées auprès des instances décisionnelles, et donc de légitimer l'existence du programme.

L'évaluation sert de plus à identifier les nouveaux besoins afin de faire évoluer le système et d'éviter son décalage progressif avec la réalité vécue par les utilisateurs.

Je tiens à souligner enfin que les Records managers doivent s'inscrire dans une démarche générale de qualité pour assurer le succès de leurs actions. Il est capital de soigner sa communication pour être au service des utilisateurs, recueillir et analyser leurs besoins. Pour qu'un système soit pérenne, il doit bien évidemment répondre à des normes archivistiques reconnues, mais il doit également s'aligner sur les objectifs et les finalités de l'organisation au sein de laquelle il est mis en œuvre.

Notes

1) La première loi sur les archives publiques genevoises datait du 2 décembre 1925 et ses règlements d’application successifs des 26 juin 1928, 3 décembre 1979 et 1er juillet 1987.

BIBLIOGRAPHIE

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Date de création : 10.10.2006
Date de dernière mise à jour : 15.10.2006