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Bütikofer, Niklaus. Managing and archiving records in the digital era : changing professional orientations / ed. By Niklaus Bütikofer, Hans Hofman, Seamus Ross. Baden : Hier+Jetzt, 2006. 131 p.
par Claire Peltier


Le présent ouvrage constitue les actes d’un colloque organisé par les Archives fédérales suisses (Berne, octobre 2004) dans le cadre du projet européen ERPANET (Electronic Resource Preservation and Acess Network). Il regroupe des communications émanant d'une palette de professionnels néerlandais, américains, allemands, français, britanniques, luxembourgeois, australiens, italiens et canadiens. L'objet du colloque était de confronter les points de vues des participants sur six problèmes liés à l'avènement d'un "Nouvel ordre numérique". Ces six questions se ramènent en fait à trois problèmes fondamentaux : les nouveaux défis posés par la gestion et la conservation des documents électroniques ainsi que l’évolution des besoins concomitants des usagers, la nécessité de nouveaux modèles d'organisation de l’archivage et la pertinence (ou non) des paradigmes archivistiques existants, et enfin l'impact de l'ère numérique sur l'archivistique et ses disciplines connexes. En un mot, il s'agissait de réfléchir aux moyens de repenser l'archivistique et aux formations professionnelles reliées à celle-ci.

Défis posés par le "Nouvel ordre numérique" et nouveaux besoins des usagers

Ces défis découlent notamment de l’instabilité, de la production exponentielle et de l’obsolescence rapide des documents électroniques. Eric Ketelaar (Pays-Bas) fait ainsi remarquer que l'ère du numérique a fait disparaître la notion même de document "original" (p. 11) : comme signalé par Maria Guercio (Italie), il n'y a plus, tout au plus, que des "copies authentiques" (p. 96). En outre, les informations tendent à s'accroître exponentiellement tout en devenant plus faciles et moins coûteuses à stocker (Eric Ketelaar, p. 13), ainsi que d'une accessibilité sans précédent (Helen R. Tibbo, USA, p. 16). Les documents électroniques ont pour particularité d'être accessibles au public dès leur création, d'échapper au contrôle des archivistes (Barbara Reed, Australie, p. 78) et de devenir vite obsolètes à la suite de leur altération ou suppression (Guercio, pp. 87, 94 et 100; Wendy Duff, Canada, p. 105). Le "Nouvel ordre numérique" affecte ainsi les fonctions traditionnelles relatives à la préservation, à la description et à l'accès aux ressources documentaires (Duff, p. 111). En conséquence, de nouvelles méthodes et conditions de travail s'imposent en réponse aux demandes croissantes d'information, à la diversification des publics (Delmas, p. 44-45) aussi bien qu'à la "stabilisation" de la documentation (Angelika Menne-Hartiz, Allemagne, p. 34).

Nécessité de nouveaux modèles d'organisation de l'archivage et pertinence (ou non) des paradigmes archivistiques existants

De l'avis général, la disparition de la notion de document original requiert une interdépendance accrue au niveau des concepts, théories et méthodes de travail jusque-là en vigueur. Pour certains contributeurs, les paradigmes existants restent valides tout en en requérant une certaine redéfinition des responsabilités archivistiques, Dans ce sens, Bruno Delmas, (p. 45) insiste sur la nécessité pour l’archiviste d’acquérir un certain degré de connaissances informatiques, de travailler en équipe et même d’intervenir à la source, de manière à devenir un acteur à part entière de la création des documents électroniques. Vu la nécessité d’une synergie entre archivistes, bibliothécaires, conservateurs de musées et informaticiens (Duff, pp. 105, 110-111 et 112), certains font valoir que la pratique australienne du records continuum – qui implique un traitement cohérent et uniforme de tout document, numérique on non, depuis la création du document jusqu’à sa conservation et son utilisation comme archives définitives – pourrait permettre le dépassement de la dichotomie existante entre archivistes et records managers (Guercio, p. 98). La méthodologie de cette pratique fait d’ailleurs l’objet d’une présentation complète par une professionnelle australienne (Barbara Reed, pp. 69-86).

Impact du "Nouvel ordre numérique" sur l'archivistique et les sciences de l'information

Le "Nouvel ordre numérique" appelle-t-il à la réunion ou à la séparation de la discipline archivistique au sens large du terme et des autres disciplines relevant des sciences de l’information ? Tout dépend de l'organisation pratique de la profession dans le pays considéré. En France, où le système archivistique est fondé sur une profession unique d'archiviste qui couvre l’ensemble des documents, il n'y a aucune raison de séparer le records management de l'archivistique (Delmas, p.43). Le scénario le plus plausible est celui d'une double formule : une fonction en deux métiers (comme en Amérique du Nord) ou deux fonctions en un métier comme dans la plupart des pays européens (ibid., p.48). Toutefois, une alliance entre les différentes disciplines par la voie de comités et d'équipes interdisciplinaires (Duff, pp.112-113), ainsi que l’élaboration de cursus communs (Elisabeth Sheperd, p.56) est nécessaire. Il est cependant clair que nulle discipline ne peut à elle seule fournir des solutions aux défis actuels (Duff, p.105).

Si le "Nouvel ordre numérique" pousse en faveur d'une unification de la doctrine archivistique et qu’un consensus règne entre les différents auteurs autour des nouveaux défis et de la nécessité d’implanter des nouveaux modes d’organisation, un point de désaccord n'en existe pas moins. Il se situe autour du choix de ces modèles : du côté français il est nécessaire de maintenir la dichotomie existante, tandis que du côté anglophone on souhaite dépasser cette même dichotomie.

© Ressi, no5, mars 2007, ISSN 1661-1802, tous droits réservés Retour en haut de la page

Date de création : 21.03.2007
Date de dernière mise à jour : 23.03.2007