Anticiper les changements actuels et futurs pour le devenir des entreprises
L’objet central du livre est la veille délibérément tournée vers l’anticipation. Sa particularité est la valorisation d’informations d’origine informelle, collectées au gré des discussions et rencontres avec les acteurs extérieurs. L’approche vise à proposer une complémentarité à la veille technologique perçue par les auteurs comme incomplète et insatisfaisante compte tenu des risques et des menaces de l’environnement mondial actuel. Ils estiment en effet qu’il est désormais urgent que les entreprises soient capables d’appréhender la mondialisation et d’en tirer les avantages stratégiques. Cela passe par une maîtrise des savoirs et des savoir-faire ainsi qu’une capacité de réaction et d’anticipation. Les outils de veille représentent bien sûr un des facteurs de réussite mais l’état d’esprit, l’anticipation et la culture d’intelligence économique dans l’entreprise sont d’autres facteurs cruciaux.
De l’avis de Marie-Laurence Caron-Fasan et Nicolas Lesca, l’intelligence économique est encore un concept flou et mal compris notamment dans les entreprises privées. Leurs constatations se développent autour de la France pour expliquer que l’IE est un vaste chantier et qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir pour sensibiliser l’ensemble des acteurs de l’économie. Sans entrer dans des développements approfondis, le livre se propose donc de faire un tour d’horizon de l’activité de l’IE et de définir son rôle et sa place dans l’économie.
L’une des pratiques associées à l’IE est l’organisation de réseaux d’information et de dispositifs de renseignement pour anticiper les changements. La logique, rappelle les auteurs, est très simple puisque elle veut que plus tôt le changement sera anticipé, plus l’organisation disposera de temps pour réagir et s’adapter. En d’autres termes, si l’entreprise pouvait connaître les changements avant qu’ils ne se réalisent, elle pourrait disposer d’un temps de réaction pour en tirer profit et prendre, par exemple, de l’avance sur ses concurrents. Sur le terrain, cette logique est par contre très difficile à mettre en œuvre car les entreprises ne voient pas toujours l’intérêt d’une telle démarche.
Veille anticipative, où quand l’acte passif de recueil d’information (réaction) devient un des outils d’aide à la décision permettant de détecter le fameux signal faible
En poussant le raisonnement un peu plus loin, l’ouvrage démontre que l’acte d’anticiper ne signifie pas uniquement connaître avec exactitude le futur longtemps avant qu’il ne se réalise, mais également percevoir les germes de changement et imaginer alors plusieurs futurs possibles. L’idée d’anticipation renvoie ainsi à la capacité d’imaginer une situation, un événement, un fait avant qu’il ne se réalise et sous-tend que l’information ne fournit pas seulement des éclairages sur le passé ou le présent, mais aussi sur le futur. Par exemple, l’information d’anticipation devrait permettre de répondre aux questions du type: notre principal concurrent risque t’il de proposer un nouveau produit à nos clients ? Pour désigner ces informations à caractère anticipatif, Marie-Laurence Caron-Fasan et Nicolas Lesca parlent de signal faible, c'est-à-dire des indices imprécis mais précoces susceptibles de se réaliser dans le futur. Une organisation qui souhaiterait ainsi anticiper les changements et les évolutions de l’environnement devrait chercher à développer sa capacité à écouter, percevoir et décoder ces signaux.
Faire de la veille, pour les auteurs, représente le plus souvent une activité ou une pratique informelle et implicite venant s’ajouter au métier principal d’un acteur individuel. Elle renvoie alors pour eux à un ensemble de compétences, de sensibilité et de comportements que chaque employé peut être susceptible de mettre en œuvre dans l’exercice de son travail. A ce stade de leur réflexion, ils se demandent en quoi consiste cette activité et quel dispositif mettre en œuvre. Ils proposent, pour y répondre, d’identifier puis de détailler les différentes phases (ciblage, sélection, circulation, diffusion, etc.) constitutives du processus de veille.
L’ouvrage fournit également des axes d’analyse et d’approfondissement pour étudier et questionner les processus de veille. Enfin, les auteurs proposent d’étudier la veille non plus comme un processus informationnel mais en tant que système cybernétique, c’est à dire un processus structuré et finalisé qui transforme les données en produits. Les composantes du système cybernétique de veille étant les ressources utilisées, les aspects financiers ainsi que les facteurs-clés de succès et d’échecs.
Finalement, c’est la question de la relation entre la veille et la prise de décision qui est abordée dans ce livre, montrant que bien souvent, ce lien n’existe pas de façon aussi mécanique qu’il est dit parfois dans la littérature, voire de la part de constructeurs de logiciels. Ce livre propose aussi des pistes pour stimuler la réflexion et pousser à l’action des acteurs désireux renforcer le lien entre leurs pratiques de veille et de prise de décision. Il contribue donc à faire avancer l’intelligence économique dans une culture où l’information a besoin de se faire une place de référence. Il est aussi destiné aux jeunes chercheurs académiques qui trouveront un ensemble cohérent de bases théoriques concernant la veille et des références d’auteurs de reconnaissance internationale.
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