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Un exemple de coopération et de solidarité: les 10 ans d’« Archivistes sans Frontières »

Par: Alfred Garcia i Puig, Vice-Président d’Archivistes sans Frontières

Conférence donnée par Alfred Garcia i Puig, dans le cadre d’une séance organisée par le Forum des Archivistes – Genève, le 26 novembre 2007, autour du thème « Archives solidaires ».
Texte revu et adapté par Giovanni Gregoletto et Didier Grange


Les archives, mémoire des peuples

Comme le disait le poète catalan Salvador Espriu: «Qui perd ses origines perd son identité». Pour maintenir leur identité, tous les peuples doivent tenter de conserver et de protéger leur patrimoine culturel. Les agressions que peuvent subir le patrimoine culturel en général, et le patrimoine documentaire en particulier, sont nombreuses et peuvent conduire à sa destruction. Mais c’est curieusement l’homme, qui produit le patrimoine, qui le détruit le plus, soit par omission (manque de ressources, abandon…) soit par des actions de natures variées (conflits armés et élimination planifiée de documents).

De multiples cas de destruction massive de la mémoire de l’humanité ont eu lieu tout au long de l’histoire. Des tablettes d’Uruk, à la Grèce et Rome, en passant par l’Inquisition, le stalinisme, l’Allemagne nazie, ou encore les dictatures militaires d’Amérique latine, il existe une multitude d’exemples de cette barbarie destinée à éliminer le passé des êtres humains.

Récemment, pendant la guerre de Bosnie-Herzégovine et celle du Kosovo, on a pu observer avec quelle obsession on a tenté d’effacer le passé des personnes. En expulsant les populations civiles de leurs maisons et en s’emparant de leurs documents, on est ainsi parvenu à détruire leurs registres de propriété. A travers cet exemple, on s’aperçoit que les génocides ont toujours été très consciemment menés, en s’efforçant de liquider le passé des victimes, leurs origines et en définitive leur identité.

Face à cette situation, la communauté archivistique a commencé à entreprendre de timides actions. Au début, essentiellement par le biais de déclarations des conférences générales de l’Unesco (1972, 1978, 1980, 2003), des réunions du Congrès International des Archives (2004) ou encore de la Conférence Internationale de la Table Ronde des Archives (CITRA) (Abu Dhabi, 2005). Le Conseil International des Archives participe également au programme « Mémoire du Monde » de l’Unesco, coopère avec le Comité international du Bouclier Bleu (ICBS) et collabore à un projet baptisé « Archivistes Solidaires », mené par la Section d’Associations Professionnelles de Records Managers et d’Archivistes (ICA/SPA).

Par ailleurs, moins connues mais non moins importantes, une multitude de collaborations entre archivistes de différents pays ont été réalisées. Il s’agit le plus souvent d’actions ponctuelles menées à titre individuel, en profitant de contacts ou d’amitiés, et reposant davantage sur la volonté que sur les moyens.

Les origines d’ASF

A titre d’exemple, les Archives municipales de Barcelone ont participé, en 1997, à un projet de réorganisation des fonds documentaires de la Municipalité de Malabo, en Guinée Equatoriale, une ancienne colonie espagnole d’Afrique. Suite à cette coopération, un groupe d’archivistes a perçu la nécessité de créer une organisation qui accueille tous les professionnels croyant aux valeurs, en matière archivistique, de solidarité et de coopération internationale. Ces archivistes ont compris qu’il fallait s’organiser et faire preuve de solidarité, afin de collaborer et d’aider les pays en situation de précarité politique, économique, sociale ou matérielle (désastres naturels, conflits guerriers, difficultés endémiques).

Dans ce but, le 1er mai 1998, s’est constituée à Barcelone, l’organisation non gouvernementale d’intérêt général « Archivistes sans frontières » (ci-après ASF). Il s’agit d’une organisation internationale de volontaires, à but non lucratif. Elle est orientée en priorité vers les pays qui conservent un patrimoine en danger, ainsi que vers des pays en situation de guerre ou de violence généralisée, affectés par des catastrophes naturelles ou d’autres natures. Ces priorités sont soulignées dans l’article 1 des statuts d’ASF.

Selon l’article 3 des statuts, les objectifs d’ASF sont de :

  • Protéger, conserver, organiser et défendre le patrimoine documentaire en danger de disparition ou de dommage irréversible, par le moyen de coordination, de développement et de diffusion de plans, de programmes et de projets, incluant ces actions dans la sauvegarde et la récupération du patrimoine documentaire lié à la garantie des droits humains, individuels et collectifs des citoyens.
  • Sensibiliser la société quant à l’intérêt de la conservation de ses archives afin de garantir le respect de ses droits et le contrôle de ses administrations.
  • Offrir une aide aux projets de récupération, d’organisation, de divulgation de la fonction archivistique en accord avec les politiques archivistiques de chaque pays, tenant en compte tous les types de supports documentaires.
  • Etudier, définir et diffuser les techniques de restauration les plus adéquates par rapport à chaque type de support documentaire.
  • Promouvoir la culture archivistique au moyen de la formation technique dans le domaine des archives afin de pouvoir donner des conseils dans ce domaine.
  • Renforcer les relations sociales, humaines et de solidarité entre les archivistes de différents pays, en vue de la protection et le respect des droits humains et des droits des peuples.
  • Promouvoir une vision et un travail interdisciplinaires dans l’intervention et l’étude du patrimoine documentaire, en collaboration avec des professions propres au champ d’intervention d’ASF.
  • Proposer et mener à terme toutes les actions qui sont considérées comme opportunes, similaires à celles qui avaient été menées jusque-là.

Les lignes de travail d’ASF sont:

  • Promouvoir les actions au sein des archives lors des transitions politiques. Favoriser la restitution des droits collectifs et individuels, plus spécialement dans les pays qui protègent les droits des peuples et des nations, et dans ceux qui cherchent leur propre transition politique, élément qui est conditionné par l’existence de documents et de leur libre accès. En ce sens, le but est de donner ou de préserver le droit à l’intégrité de la mémoire écrite des peuples, le droit à la vérité et le droit à connaître les responsables des crimes contre l’humanité.
  • Protéger les droits humains suivants: droit des familles de disparus pendant des périodes de répression, droit à la connaissance des données existantes relatives à n’importe quelle personne ; droit à l’investigation historique et scientifique ; droit à l’amnistie pour les prisonniers et les opposants politiques ; droit à la compensation et à la réparation des dommages endurés par les victimes de la répression et, enfin, droit à la restitution des biens confisqués.
  • Proposer l’élaboration et l’exécution de projets de coopération internationale en matière de gestion d’archives et collaborer avec d’autres entités qui ont des compétences dans le domaine des archives, afin de trouver des solutions pour une protection adéquate des archives et du patrimoine.
  • Etablir des mesures de prévention et de conservation du conditionnement physique des différents supports documentaires et proposer toutes les actions qui sont considérées comme nécessaires pour apporter à terme une amélioration dans la prévention, la reproduction, la restauration et la préservation de tous les types de supports documentaires (documentation graphique, audiovisuelle…), ceci afin d’assurer la conservation et garantir les systèmes de sécurité des bâtiments d’archives.
Réalisations et Projets

Initialement très réduit, le groupe d’archivistes s’est étoffé et ses actions ont pris de l’ampleur ces dix dernières années. Il faut saluer ici l’effort et le dévouement d’un groupe réduit de personnes, sans qui, tout ceci n’aurait pu être mené à terme. En effet, les premiers projets et études de prospection ont été réalisés, pour la plupart, grâce à l’apport personnel des coopérants; il n’y avait pas de financement pour les voyages et tout était à leurs frais.

La première action a été l’organisation de cinq centres d’archives municipales en République de Guinée Equatoriale, ancienne colonie espagnole: Baney, Luba, Malabo, Rebola et Rabia (1998-2001). Dans un deuxième temps, ont été créées deux salles informatiques dans les villes de Malabo et Bata (2003-2004).

Puis, toujours en profitant des contacts de la Municipalité de Barcelone, un séminaire de formation archivistique basique, destiné à des personnes de quelques centres d’archives de Sarajevo, a eu lieu en 2001, dans le but de former un personnel qualifié dans les centres d’archives que la guerre avait mis à mal.

Un des projets les plus importants a été pour nous, en tant que catalans, le microfilmage et la numérisation des fonds documentaires produits par l’Evêque de São Felix de Araguaia, dans la région du Mato Grosso (Brésil), le père catalan Casaldaliga. L’évêque est une personnalité qui s’est beaucoup impliquée pour la cause des pauvres et des indigènes, et qui a gardé des relations avec des personnalités très influentes de la théologie de la Libération, des mouvements sociaux et révolutionnaires d’Amérique Latine (Fidel Castro, Monseigneur Romero, le mouvement sandiniste du Nicaragua)…

Cette documentation était menacée de disparaître, et c’est pour cette raison que l’Evêque s’est mis en contact avec ASF. Ce projet a été l’un des plus ambitieux; il a coûté 100’000 Euros, financés par la propre prélature ainsi que par la Generalitat de Catalogne. Durant deux ans, ont ainsi été numérisés et microfilmés plus de 250’000 documents, qui ont été convertis en 18 DVD et 65 bobines de microfilms. Au mois d’octobre 2006, une donation d’un jeu de copies a été faite aux Archives nationales de Catalogne.

Mentionnons également qu’en 2005 un cours d’archivistique de base a été organisé à Quito (Equateur) et l’année suivante, une étude de prospection d’archives a été menée sur l’île d’Ibo, au Mozambique.

Des projets sont actuellement en cours ; parmi ceux-ci, mentionnons les suivants:

  • Le projet d’organisation des archives municipales de la Commune urbaine de Fès (Maroc, 2004-2010), qui est mené par un groupe de 24 coopérants, archivistes professionnels et étudiants du Diplôme Supérieur d’Archivistique et de Gestion des documents de l’Université Autonome de Barcelone (ESAGED). Ceux-ci ont déjà traité plus de 3,5 kml de documentation qui se trouvaient dans de mauvaises conditions de conservation, sans organisation.
  • Le projet de récupération des fonds documentaires et des archives des dictatures militaires latino-américaines (2005-2008), constitue lui aussi un projet très ambitieux. L’objectif est de localiser, identifier et organiser la documentation produite par les gouvernements impliqués dans l’Opération Condor et par les entités liées à la lutte pour la connaissance de la vérité. En facilitant la localisation de documents, il devrait permettre d’identifier et de localiser les disparus et les victimes de ces régimes répressifs. Le projet vise enfin à faciliter la formation du personnel impliqué, afin de garantir la description et l’accès à cette documentation.
  • Parallèlement à cette vaste entreprise, Archivistes sans frontières a convoqué à Montevideo (Uruguay) en novembre 2006, une rencontre de tous les responsables du projet de récupération du fonds documentaire et archivistique des dictatures latino-américaines. Ceci a permis d’organiser une journée consacrée aux archives et aux droits humains, organisée par ASF et les Archives de la Nation, les 4 et 5 décembre 2006, en présence de plus de 100 personnes.
  • Un autre projet mené par ASF est celui de la récupération de l’histoire catalane en exil, comprenant la numérisation et l’organisation des archives des communautés catalanes à l’étranger (2006-2010). Une première étude de prospection a été faite dans cinq centres culturels catalans (Montevideo, Buenos Aires, Rosario, Mexico et La Havane), où l’on présume qu’existait préalablement une documentation plus ancienne, conséquence de l’exil provoqué par la Guerre civile espagnole.
  • ASF a également participé à l’organisation des Archives nationales du peuple sahraoui (2006-2008) et donné un cours de théorie et de pratique dans les campements sahraouis de Tindouf (Algérie), avec la participation de 4 archivistes coopérants.
  • Notre association a également participé au Conseil Consultatif International de support au projet de Récupération des archives historiques de la Police Nationale du Guatemala (2007). Tous ceux qui travaillent sur ce projet sont considérés par les militaires retraités comme des ennemis. De plus, il faut tenir compte que lors des dernières élections, cet été, plus de 50 personnes ont été tuées parmi les politiques et les parents d’hommes politiques. Ces documents ont une grande valeur. Ce projet est financé actuellement par: le gouvernement suisse, le gouvernement catalan et, plus récemment, le gouvernement basque. Une copie numérisée devrait être conservée à terme aux Archives fédérales suisses.
  • Enfin, mentionnons encore le projet de catalogage, numérisation et restauration de 750 affiches de la fondation Salvador Allende, en collaboration avec le Ministère espagnol de la Culture.
Fonctionnement

Nous avons mentionné ci-dessus les principaux projets en cours d’ASF. Dans chaque cas, ils suivent un cheminement particulier. En effet, le processus pour commencer un projet est variable selon les propositions: des contacts personnels entre archivistes de différentes origines, des relations entre des institutions, par l’intermédiaire des organismes de coopération espagnols ou catalans et autres ONG. Souvent, un projet en amène un autre. De ces contacts émerge alors une proposition qui sera ultérieurement validée par le comité de direction. Celle-ci peut être approuvée si elle correspond aux principes directeurs de l’ONG, ou peut au contraire être refusée, notamment dans des cas où un organisme demande des fonds mais n’accepte pas de se soumettre au moindre contrôle de la part d’ASF, lorsqu’il s’agit de centres de documentation ou de bibliothèques et non d’archives, ou encore lorsque notre infrastructure ne peut pas répondre aux demandes adressées.

La première étape consiste à envoyer le plus souvent un ou deux coopérants pour réaliser une étude de prospection de la qualité des installations et de la valeur que peut contenir le fonds. Habituellement, l’ONG paie le voyage des coopérants et les hôtes se chargent des frais de logement et de réception.

L’étude de prospection est complétée d’une proposition d’action qui évalue si le projet est viable ou non, notamment en ce qui concerne son financement. Actuellement, celui-ci est à la charge de la Municipalité de Barcelone, (auprès de son bureau « Barcelone Solidaire »), du gouvernement autonome de Catalogne, (auprès des ministères de la Présidence ou de la Culture- Sous-direction générale des archives-, ainsi qu’auprès de l’Agence catalane de coopération au développement) et du Gouvernement espagnol, dont la propre Sous-direction générale des archives de l’Etat dispose d’un programme d’aide spécifique pour les archives. Enfin, l’action est également financée par l’Agence espagnole de coopération internationale.

Ces trois grands fonds de financement de projets (étatique, autonome et municipal), sont complétés par d’autres fonds plus modestes, grâce à des participations de mairies plus petites, des collaborations avec d’autres ONG ou encore des contributions d’entreprises.

Comme on l’a souligné plus haut, les deux grands champs d’action sont l’aide à l’organisation des archives des pays du tiers-monde (classification, tri, numérisation, microfilmage) et la formation de professionnels, à travers l’organisation de cours destinés aux archivistes. Ces deux activités constituent l’axe majeur des activités qui jusqu’à présent ont été menées à terme.

Les autres types d’activité qui sont menées sont :

  • La diffusion des activités de l’ONG dans les rencontres d’archivistes ;
  • La coopération avec d’autres ONG lors des salons et d’autres événements publics (« foires de rue ») ;
  • La participation à des journées organisées par d’autres organisations ;
  • L’accueil de collègues en formation ;
  • de matériel didactique, plus spécialement pour la formation à distance.

Naturellement, il serait injuste d’oublier qu’une grande partie de l’action est due au travail des coopérants. De ceux qui paient simplement leur cotisation à ceux qui dédient une part de leurs vacances à la coopération internationale, il existe un éventail de professionnels qui travaillent d’une façon désintéressée pour d’autres collègues, moins favorisés, qui doivent parcourir de grandes distances pour pouvoir assister à un cours. Tout cela encourage à poursuivre dans cette direction.

Dans ces actions, est impliqué un nombre important d’archivistes, que ce soit des professionnels reconnus, qui vont suivre des formations ou des étudiants, comme par exemple ceux du diplôme supérieur d’archivistique et de gestion des documents (ESAGED/Barcelone), qui ont travaillé sur le fonds des archives d’urbanisme de la commune urbaine de Fès, comme déjà mentionné plus haut.

Activités

La petite unité qui a été créée en 1998, s’est développée avec le temps et, aujourd’hui, « Archivistes sans frontières » est une organisation solidement constituée, comptant près de dix ans d’expérience et comptant plus de 300 membres à travers le monde. Sa structure est bâtie autour d’une Assemblée générale et d’un Comité directeur qui gère les projets. Elle est formée par les membres numéraires, les membres institutionnels et les membres honoraires.

Des sections plus ou moins importantes ont été établies en Argentine, en France, en Bolivie, en Colombie, en Equateur, au Mexique, au Pérou et en Uruguay. Avec des moyens divers, ces sections ont développé leurs propres activités. Cette structure a dû cependant être réorganisée en sections pour des questions de droit international. Outre la révision des statuts, lors de l’Assemblée générale extraordinaire célébrée en juin 2007, ASF s’est constituée comme une organisation uniquement espagnole. Sa vocation est cependant internationale, l’objectif étant de créer une fédération d’ASF des différents pays qui partagent les mêmes principes communs.

Durant ces dernières années, l’organisation a publié 14 bulletins (en espagnol et en catalan) et a organisé 4 rencontres internationales.

La première, dédiée à « La protection du patrimoine documentaire dans le domaine de la coopération internationale », a eu lieu les 26 et 27 octobre 2001, dans la salle de réunion du Musée maritime de Barcelone. Tous les deux ans, ces journées sont organisées avec la vocation de devenir un lieu de rencontres de professionnels des archives sensibilisés au monde de la coopération et un espace de dialogue et de participation, afin d’examiner la problématique et la situation actuelle de la coopération internationale, dans le cadre du patrimoine documentaire (1).

Les 22 et 23 février 2003, ont été célébrées au Musée Historique de Catalogne, les deuxièmes journées, dédiées, à cette occasion, à la relation entre « Archives et droits démocratiques ».

Les journées ont été un succès, tant par le nombre de participants, presque une centaine, que par l’intérêt des interventions présentées. Celles-ci ont traité des enfants et des femmes victimes de représailles sous le Franquisme, après la Guerre Civile, travail qui a servi à la réalisation d’un reportage documentaire à la télévision catalane. On a également abordé, lors de ces journées, les actions et méthodologies du travail d’Amnesty International, de même qu’une réflexion a été portée sur le travail de documentation et de recherche d’information, étape cruciale pour initier n’importe quelle action. Une explication de la politique d’accès aux fonds documentaires (2) a suivi, ainsi qu’un exposé sur les origines et le développement de l’actuel conflit palestinien, illustré par des preuves concrètes (des documents, photographies et cartes) qui témoignent de l’importance de la mémoire et de la documentation, afin de maintenir vive l’espérance de liberté du peuple palestinien. Des questions concernant le délai juridique de l’accès à la documentation, avec en complément les exemples d’accès à quelques procès de la Guerre Civile, ont également été abordées. Enfin, deux membres d’ASF ont offert une vision des archives de la répression organisée par divers régimes militaires sud-américains contre ses opposants de gauche, connu sous le nom de « Plan Condor ».

Les troisièmes journées internationales d’ « Archivistes sans frontières », consacrées au thème « Archives et développement », se sont déroulées à Madrid, les 25 et 26 février 2005.

Il a été question de l’importance que tiennent les archives, comme institution publique, dans la configuration de notre Etat de droit, posant l’existence des archives comme essentielle pour construire un réseau nécessaire pour un développement durable dans les pays du tiers-monde. Ainsi, nous prétendons apporter aux diverses initiatives menées par des organismes internationaux, par les nations elles-mêmes et par des organisations non gouvernementales, comme la nôtre, une impulsion pour le développement des archives publiques dans divers pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie avec la prétention de les valoriser avec un esprit critique. Aussi, une session a été consacrée à l’étude des archives produites par les institutions d’aide au développement, principalement la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.

Conjointement et parallèlement à ces journées avait lieu une conférence internationale sur le thème « Israël et Palestine : archives pour une coexistence », réalisée à partir de la présentation de fonds documentaires, d’archives et autres témoignages d’une histoire commune, ceci pour pouvoir aborder, dans la perspective d’une mémoire historique différente pour chacun de ces deux peuples, un futur de coexistence pacifique.

Plus récemment, les 9 et 10 novembre 2007, les IVèmes journées d’ASF, qui se sont déroulées encore une fois à Barcelone, ont été consacrées cette fois-ci à la fonction du coopérant dans la coopération. Le titre était « Les coopérants : l’axe de la coopération ».

Les interventions, menées par un membre de « Juristes sans frontières », ont porté sur le point de vue juridique du nouveau statut de coopérant ainsi que sur le projet de récupération des Archives nationales de la Police Nationale du Guatemala. Elles ont été suivies d’une table ronde sur la figure du coopérant avec des membres d’Intermonde-Oxfam, d’Education sans frontières, du collège officiel des médecins de Gérone et d’Archivistes sans frontières. Enfin, un juriste a présenté une intervention sur les fonds publics et la transparence des ONG.

Archivistes sans frontières est également membre du Conseil International des Archives (catégorie B) et participe au groupe des droits humains et au groupe de travail d’Archivistes solidaires (Archival Solidarity) mené par la Section des associations professionnelles de Records Management et d’archivistes du Conseil International des Archives (ICA/SPA). Il faut ajouter qu’Archivistes sans frontières a participé activement à la constitution de ce groupe de travail. La première réunion, d’où sont issus le nom et les principes directeurs, s’est tenue à Barcelone en 2001 et a été formée par Margaret Turner, présidente du CIA/SPA, Benny Haspel, qui avait mené à terme des activités de formation dans le projet « Rücksack », Nancy Marelli, comme coordinatrice, Mariona Corominas et moi-même, comme représentants d’ASF.

Ayant partagé nos propres expériences, nous avons décidé, d’un commun accord que l’objectif devait être de faciliter les contacts et de recueillir des informations sur les actions qui sont menées au niveau international, afin de les partager entre les archivistes.

L’expérience acquise par ASF a également permis d’élaborer des documents de travail tels que : le Modèle de questionnaire de prospection d’un fonds, le Formulaire du coopérant, le Manuel de gestion de projets de coopération et le Plan d’action Global 2004-2007. Ceux-ci s’avèrent nécessaires pour une meilleure coordination des personnes qui participent aux projets.

En ce qui concerne le coopérant, celui-ci est soumis à un certain nombre d’obligations :

  • Le coopérant doit respecter les buts pour lesquels a été créée l’ONG
  • Le coopérant doit mener à bien le travail pour lequel il a été engagé
  • Le coopérant doit communiquer au comité de direction sur toute action ou initiative qu’il a menée à terme.
  • Le coopérant doit respecter la culture, les idées politiques et religieuses et les coutumes des autochtones, même s’il ne les partage pas.
  • Le coopérant doit informer de sa présence l’ambassade ou le consulat du pays où il se trouve.
  • Le coopérant doit élaborer un rapport écrit sur le développement du projet mené à terme. De plus, il doit remettre ce rapport à l’institution qui a financé le projet avec le bilan économique et le matériel qui ont été générés.

ASF doit prendre à sa charge les frais de voyage, les frais sur place et l’assurance du coopérant, ainsi que s’occuper de la documentation nécessaire avant le départ de celui-ci (visa, gestion de l’hébergement….).

L’expérience est fondamentale pour corriger les erreurs, et il est certain que nous en avons commises, notamment lors des actions menées sur le terrain.

Aujourd’hui, grâce à ces enseignements, ASF peut poursuivre son action avec plus de sérénité et de sagesse, en gardant à l’esprit cette pensée de Winston Churchill : « une nation qui oublie son passé n’a pas de futur ».
Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le site web de l’association:
web www.arxivers.org

Notes

(1)Les interventions ont traité des archives de sécurité de l’Etat dans les régimes répressifs où l’on compte énormément de disparus (Antonio Gonzalez Quintana), de l’histoire orale et la récupération de la mémoire historique (Merce Vilanova, UB), et sur la fonction archivistique du Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (UNHCR). Puis, les coopérants ont commenté les projets alors en cours et, finalement, Monsieur Acardi Oliveres, vice-président de Justice et Paix, une des organisations dédiées à la coopération et à la solidarité en Catalogne et Espagne, a fait une analyse des problèmes que comporte le modèle de globalisation actuel.]

(2)Les archives d’Amnesty International sont remarquables tant par la diversité de thématiques que par la rigueur et la fiabilité des données recueillies, l’objectif étant qu’une multitude de personnes et d’institutions puisse les consulter.

© Ressi, no8, décembre 2008, ISSN 1661-1802, tous droits réservés

Date de dernière mise à jour : 19.12.2008