La séance du 19 décembre avait comme objectif d’explorer quelques enjeux liés aux Services d’information (SI) que les intervenant-e-s (Abreu, Perreti, Fonseca et Reversy) en suivant la formulation l’Association des professionnels de l’information et de la documentation (ADBS), définissent dans un sens large comme étant une quelconque « entité chargée de répondre aux demandes, besoins et attentes d’information d’un public défini ». Cela comprend évidemment les bibliothèques et les centres de documentation, mais également les bureaux de soutien & d’information, les plateformes d’apprentissage en ligne, les musées etc.
Le fil rouge choisi pour broder l’exposé de la séance est celui de l’accès à l’information pour les publics empêchés (PU). À nouveau, les intervenant-e-s ont souligné l’importance d’une conception étendue d’empêchement qui doit aujourd’hui être envisagé au-delà du simple handicap physique. On peut ainsi juxtaposer les publics empêchés avec ceux qui souffrent d’un éloignement social, culturel, physiques, sensoriel, linguistique ou cognitif qui entraverait la liberté et la plénitude de leur fruition d’un SI.
En suivant l’ouvrage de référence de Hirsch (2018), les intervenant-e-s ont souligné que la prise en compte de ces publics permet de remplir une des missions cruciales des SI, à l’occurrence celle de garantir l’égalité dans l’accès à l’information et la liberté intellectuelle des utilisateurs. Cela implique en revanche un travail assez complexe qui passe de la conception de SI eux-mêmes à la mise à disposition d’outils et technologies adaptés, en passant par la formation du personnel et par une démarche proactive d’implication des publics concernés.
Le préalable fondamental à entreprendre dans chaque SI est l’analyse des besoins spécifiques de chaque public empêché, sachant que parfois les usagers eux-mêmes n’ont pas pris conscience de ces mêmes besoins et que les obstacles peuvent se combiner au sein d’un même public (ie. les détenus allophones). Pour cela il faut distinguer trois niveaux de besoins :
1) Micro : cela concerne les besoins individuels par exemple relevant des capacités cognitive, connaissance linguistique etc.
2) Meso : cela concerne le contexte spécifique dans lequel s’inscrit le SI, par exemple si l’on est dans un quartier défavorisé on peut supposer une information literacy assez faible.
3) Macro : cela concerne les structures sociétales telles que l’évolution démographique de la population ou technologique.
Si l’on prend l’exemple des bibliothèques, cette analyse permet de prendre en compte ces différents besoins et les intégrer pour garantir un accès à la fois au SI lui-même (ie. Bibliobus pour des zones rurales, accès pour les chaises roulantes) et à ses collections (ie. Contenu multilingue, technologies d’assistance telles que les appareils screen reader comme Jaws).
En s’appuyant sur la recherche menée par Potnis et Mallary (2023), les intervenant-e-s ont mis en exergue que, même lorsque les besoins des publics empêchés sont pris en compte, il peut y avoir une divergence entre les attentes des bibliothécaires et des usagers vis-à-vis des technologies d’assistance (TA). L’étude présentée se concentre sur les bibliothèques universitaires en interrogeant à la fois des professionnels et des étudiant-e-s en situation d’handicap. Ils arrivent à la conclusion que alors que les SI valorisent principalement l’inclusion et le respect de leurs obligations légales, les étudiant-e-s cherchent des TA qui leur permettent de s’autonomiser et mieux réaliser leurs tâches académiques. En raison de ces écarts, il est crucial de cocréer avec les publics empêchés les politiques d’assistance et améliorer la communication autour des technologies qui permettent d’augmenter ses compétences informationnelles.
Les chatbots peuvent constituer un outil intéressant dans ce sens, comme l’ont mis en évidence les intervenant-e-s à partir de l’article de Diouf et Marone (2023). Le chatbot est un programme informatique qui simule une conversation en répondant à des questions posées en langage naturel. Les atouts pour un service bibliothécaire sont nombreux à partir d’une meilleure gestion des tâches routinières jusqu’à la disponibilité en temps réel 24h/24h de certains services. En ce qui concerne les pu, les chatbots peuvent permettre une meilleure accessibilité aux SI pour ces personnes qui des difficultés de communication (ie. Allophones, sourds-muets), de déplacement (ie. Mobilité réduite) ou qui sont éloignés géographiquement du SI. L’utilisation de chatbots ne vient pas en revanche sans risques. Le manque d’interaction humaine peut constituer un obstacle ultérieur pour certains publics, en outre les chatbots posent des questions spécifiques de confidentialité et peuvent amplifier les phénomènes de discrimination.
En conclusion, en dépit des évolutions technologiques, le rôle des professionnels de l’information demeure crucial, à la fois pour anticiper et interpréter les besoins des PU, pour choisir les technologies d’assistance adéquates et en tempérer les biais.
Bibliographie
DIOUF, François Malick et MARONE, Reine Marie Ndela. (2023). Conception d’un « chatbot » pour soutenir les services d’information dans les bibliothèques universitaires. Journal of Information Sciences (JIS). Vol.
22, no 2, pp. 1-25. DOI : https://doi.org/10.34874/IMIST.PRSM/jis-v22i2.41192.
HIRSH, Sandra (éd.). (2018). Information services today: an introduction. Lanham : Rowman & Littlefield. ISBN 9781538103012.
POTNIS, Devendra et MALLARY, Kevin.(2023). Comparing the “value of information services” for providers andvulnerable patrons: a mixed-methods study with academic libraries and students with disabilities.
Information Research: an international electronic journal. Vol. 28, no 3, pp. 83-109. DOI : https://doi.org/10.47989/ir283198.
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