Les raisons d’être d’un dépôt de données : entre connaissance et renommée

Le nombre de dépôts de données de la recherche en Suisse a considérablement augmenté ces dernières années, cette situation étant notamment due aux exigences des bailleurs de fonds et à leurs politiques ancrées dans l’Open Science. Notre projet de recherche se penche sur la question de l’évaluation de ces dépôts, pourtant il existe une question subsidiaire, mais néanmoins intéressante : pourquoi de nombreuses institutions de recherche[1] souhaitent-elles avoir un dépôt de données de recherche ? Il existe plusieurs raisons essentielles à la création d’un institutional repository (IR), comme nous l’explique Alma Swan :

“The reasons for having a repository are so compelling, the advantages so obvious, the payoff so potentially large, that no institution seriously intent upon its mission, and upon enhancing its profile and internal functioning, will want to disadvantage itself badly by not having one (or more).” (SWAN, 2010, p.124)

Un dépôt de données de la recherche, un investissement nécessaire

Avant tout, il est intéressant de discuter de la question des dépôts de données et des investissements nécessaires. Pour bien comprendre, les dépôts de données de la recherche, ou repositories, sont des plateformes internet plus ou moins développées et user friendly qui permettent à un chercheur de déposer ses datas pendant ses études, ou une fois la recherche finie. Il ne s’agit plus de déposer uniquement les publications finales des recherches. En effet, bon nombre de bailleurs de fonds exigent le dépôt du travail final, mais également des données issues de la recherche. Cependant, les dépôts de publications finales demandent moins d’entretien que les dépôts de données, comme nous le rappelle Katherine McNeill dans son article Repository Options for Reseach Data (2016, p.18):

However, given that data require significantly more management than do publications, IR administrators must consider what if any resources will be deployed to ensure data usability over time.

Ces plateformes sont gérées par des spécialistes de l’information, tels que des bibliothécaires ou des documentalistes en charge des ressources numériques, mais également par des informaticiens. Afin de créer de telles infrastructures, l’institution doit se doter de personnel qualifié pour la création, le démarrage et la maintenance. Il est impératif que la charge de travail que représente un dépôt de données soit prise en compte dès le début. Car une infrastructure mal gérée peut créer des problèmes conséquents (piratage, violation des licences, données perdues, etc.). Une des préoccupations premières est donc la sécurité et nécessite des ressources humaines, financières et matérielles. C’est pour cela que la conception et la gestion d’un dépôt de données pour une institution de recherche doivent être considérées comme un véritable investissement.

Entre partage des données et réputation

En ce qui concerne les raisons de la création d’un dépôt, nous pouvons en discerner deux principales : premièrement, il s’agit pour l’institution de recherche de pouvoir garantir l’intégrité, l’authenticité et la disponibilité des données. Les dépôts sont des outils majeurs pour le partage du savoir entre instituts de recherche, mais également pour les chercheurs en leur permettant de réutiliser les données d’autres chercheurs pour appuyer, vérifier ou comparer leur recherche. Mais au-delà de ces raisons évidentes de s’assurer de la qualité de la recherche scientifique, on peut découvrir des ROI “invisibles”.

En Suisse, on dénombre de nombreuses universités et hautes écoles. Ces institutions de recherche sont régulièrement en concurrence pour l’attribution de fonds publics ou privés. De facto, la réputation de ces dernières est essentielle pour attirer des professeurs et étudiants afin d’assurer leur mission liée à l’éducation. Cette réputation est intrinsèquement liée à la qualité de l’enseignement donné et au rayonnement des recherches menées par les professeurs et les chercheurs. De plus, les infrastructures de soutien à la recherche comme la bibliothèque et les services d’information sont des investissements qui peuvent être attractifs. Car en offrant des services variés et l’accès à de très nombreuses publications, les institutions offrent des conditions qui permettent aux étudiants ainsi qu’aux chercheurs de se développer et d’exceller dans leur domaine. Dans ce contexte, Alma Swan souligne que les ROI des repositories ne doivent pas uniquement se mesurer en terme financier :

A carefully prepared case to senior management will highlight the appropriate advantages of the repository to the institution […], will detail expected expenditure over a number of years, and will emphasise that the payoff is not measured in financial terms: instead, payoff will be measured by :

  • Improved visibility of the institution
  • Improved impact of its outputs
  • More effective ‘marketing’ of the institution
  • Better management of the institution’s intellectual assets
  • Easier assessment of what the institution is producing and creating
  • Facilitation of workflow for researchers and teachers
  • Facilitation of collaborative research” (SWAN, 2010, p.128)

Pour conclure, nous avons vu que les dépôts de données sont importants pour la recherche, mais aussi pour l’image et la renommée d’une institution de recherche. Il serait intéressant d’enquêter sur les institutions de recherche qui ont choisi de créer un dépôt de données et leur position dans le Shanghai ranking. Peut-être existe-t-il quelques corrélations…

Bibliographie

SWAN, Alma, 2010. Business Planning for Digital Repositories. In: COLLIER,Mel (ed.). Business Planning for Digital Libraries: International Approaches. Leuven: Leuven UniversityPress, 2010, 123 – 136 pages.

MCNEILL, Katherine, 2016. Repository Options for Research Data. In: CALLICOTT, Burton B., SCHERER, David, WESOLEK, Andrew (ed.).MakingInstitutional Repositories Work [en ligne]. West Lafayette (Indiana): PurdueUniversityPress, 2016, pp.15 – 30. [Consulté le 28 décembre 2019]. Disponible à l’adresse: https://www.jstor.org/stable/j.ctt1wf4drg.7?seq=1#metadata_info_tab_contents

 

[1] Nous entendons par institutions de recherche tous les établissements dévoués à la recherche scientifique et qui délivre des diplômes supérieurs (Bachelor et/ou Master et/ou Doctorat).

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