L’impact écologique du monde des sciences de l’information

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Lors des différents séminaires animés par mes camarades, qu’ils portent sur le Big Data, l’intelligence économique, les réseaux neuronaux ou encore les services d’information, j’ai été rendue attentive à la quantité impressionnante d’énergie consommée par les données numériques. Je n’ai donc pu que constater la place essentielle et croissante de l’informatique dans le monde des professionnels de l’information et me suis intéressée à l’aspect écologique de mon domaine d’activité.

Adapté de : Pixabay, 2016

L’édition du livre

L’appellation “professionnel de l’information” rassemble toutes les personnes amenées  à gérer de l’information et comprend donc des métiers présents dans les bibliothèques, les archives, les musées, ou encore l’édition. Dans ce contexte, nous allons aborder les aspects écologiques de l’édition de livres en format papier.

Le cycle de vie du livre

Bien que, depuis les années 1990, l’industrie papetière européenne ait réduit ses émissions de COde 40%, la maison d’édition française, Terre vivante utilise encore quelques 2 tonnes de papier pour éditer un livre de 160 pages (15x21cm) en 5’000 exemplaires ! Soucieuse de son impact écologique, elle a alors mené une étude mettant en lumière les conséquences de chaque étape du cycle de vie du livre, tout en proposant quelques solutions (Groshens 2011).

Cycle de vie du livre selon F. Claveau (Groshens 2011)

La fabrication de la pâte à papier, qu’elle soit faite à partir de bois ou de papier recyclé, est encore à l’origine de 70% de l’impact écologique du livre. Elle consomme aussi beaucoup d’énergie, d’eau et de produits chimiques, et contribue à la déforestation, à la disparition d’espèces végétales et animales,à la pollution des eaux et de l’air, ce qui constitue une atteinte à la biodiversité et à la santé humaine.

De plus, l’élaboration du livre (contenu et fabrication) fait intervenir de nombreux agents chimiques toxiques et polluants et consomme également de l’électricité ; bien que cette étape soit moins énergivore que la précédente, il s’agit de la plus polluante. Quant aux transports qui relient les étapes du processus, des forêts aux lecteurs, ils dégageant quantité de gaz àeffet de serre, dont l’impact écologique est très important.

Pour diminuer cet impact, il faudrait fabriquer du papier moins blanc, utiliser des huiles végétales, recourir à des énergies renouvelables et rationnaliser les transports.

Le papier recyclé et le papier labélisé

L’usage du papier recyclé est plus écologique que celui du papier à base de fibres certifiées : il n’aggrave pas la déforestation et consomme moins d’eau et d’énergie (Groshens 2011). Notons toutefois que l’usage exclusif de papier recyclé n’est pas possible, vu qu’il est nécessaire d’en fabriquer avant de pouvoir le recycler.

Terre vivante a comparé le processus de fabrication d’un livre en papier recyclé et celui d’un livre issu de fibres végétales certifiées. La différence est frappante [1] :

Comparaison de l'impact d'un livre produit à base de fibres labélisées et d'un livre produit à base de papier recyclé

Précisions sur les unités de mesure du tableau :

CO2 : Dioxyde de carbone (gaz à effet de serre). En Suisse, les voitures sont autorisées à dégager jusqu’à 130 g de COpar km, ce qui signifie que 10 g de COsont rejetés dans l’air à chaque fois qu’une voiture parcourt 77m. En 2020, cette limite passera à 95 g par km. Notons toutefois que, même si l’on parle d’équivalent en CO2, tous les gaz à effet de serre sont inclus dans cette mesure.

Sb : Antimoine. Ressource non renouvelable, au même titre que le pétrole ou le lithium. Le Kg équivalent SB est l’unité de mesure courante d’épuisement des ressources naturelle.

Éthène : Le smog est une brume causée par une concentration élevée de polluant dans l’air ; il peut être dissout grâce à la lumière, d’où le nom de “smog photochimique”. L’éthène, ou éthylène (C2H4), est un gaz à effet de serre dégagé par les voitures ou l’industrie. Il est utilisé pour mesurer le smog, car, contrairement aux COou au méthane dont les densités sont moins élevées, il s’accumule dans les villes.

SO2 : Dioxyde de soufre, qui se dégage notamment de la combustion d’énergies fossiles. Le Kg équivalent SOest l’unité de mesure courante du potentiel d’acidification atmosphérique.

Une innovation de Hachette

Dans le cadre de sa démarche de développement durable, le groupe d’éditeurs français Hachette a introduit l’étiquetage environnemental de ses livres, pour sensibiliser les éditeurs à l’impact environnemental de leur activité et les lecteurs à l’empreinte carbone des produits Hachette qu’ils ont en main. L’étiquetage est complété par la fonctionnalité d’un site Internet qui compare le bilan carbone d’un livre à celui de différentes activités humaines.

Les e-books

Parallèlement à l’édition de livres papier se développe l’édition d’e-books. Ce marché n’a rien à envier au premier dans la mesure où le bilan carbone d’une liseuse est de 240 kg éq. CO2, ce qui s’apparenterait au bilan carbone de 80 livres papier, puisque, selon les sources (Lorheyde 2017, Fournier 2017 ou Web 2011), celui d’un livre varie entre 1 et 3 kg éq. CO2.

Infographie comparant l'impact des livres, des liseuses et des tablettes (Web 2011)

En termes écologiques, choisir entre un livre et un e-book doit donc dépendre de notre consommation de livres annuelle !

Finalement…

Malgré les critiques qu’il a suscitées, le rapport sur l’édition du livre en France publié par le Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne rappelle que “plus d’1 livre sur 4 est détruit sans jamais avoir été lu”. Pour pallier ce gaspillage et réduire la gestion des stocks, certaines maisons d’édition impriment leurs ouvrages sur commande.

Toutes les institutions évoquées en introduction stockent aussi leurs données sur des serveurs et fonctionnent en réseau. C’est l’une des raisons pour laquelle nous allons brièvement nous intéresser au numérique.

Le Big Data

Depuis l’avènement d’Internet et l’informatisation croissante, les données numériques ne cessent d’augmenter : 3 trillions (3×1018) d’octets de données sont créés chaque années, ce qui équivaut à quelques 450 milliards morceaux de musique [2] !

La gestion du Big Data requiert énormément d’énergie pour analyser des données stockées, des flux de données ou encore le Web. Ces mégadonnées sont stockées sur des serveurs qui tournent en permanence et qui sont rassemblés dans des data center ; un seul d’entre eux consommerait autant d’électricité que 30’000 européens en un an ! Ainsi donc, 10 à 15% de l’électricité mondiale annuelle est consommée par le numérique, données et technologies confondues :

Infographie sur la consommation d'énergie d'Internet (Laherre 2017)

L’infographie de Clément Fournier et la vidéo ci-dessous vous donneront quelques ordres de grandeur supplémentaires et quelques solutions pour diminuer l’impact de l’utilisation d’Internet :

Une étude de Greenpeace met en lumière les types d’énergies utilisées par certaines grandes entreprises du Web, comme Facebook, Netflix ou encore Amazone. Ainsi, même si certaines d’entre elles se soucient de la provenance de leur électricité et que le Web est parfois utilisé comme outil de protection de l’environnement, il faut encore réduire la consommation d’énergie liée à Internet. Théophile Laherre donne des pistes intéressantes.

Et alors ?

En conclusion, on ne peut que constater que l’impact écologique du domaine des sciences de l’information doit être réduit. Si le monde de l’édition semble en prendre conscience en développant des programmes ecofriendly, le gaspillage de livres reste un problème.

Les bibliothèques devraient être conscientes de ces questions pour communiquer plus intensément, même si les livres qu’elles proposent sont lus plusieurs fois, ce qui réduit leur bilan carbone. De même, comme les liseuses peuvent représenter un avantage pour les grands lecteurs, il est intéressant de les mettre à disposition dans les services d’information, comme le fait déjà la Médiathèque Valais, par exemple.

Quant à Internet, malgré tous les avantages qu’il procure, son impact écologique n’est pas négligeable et des mesures, tant de prévention que de restriction, doivent être prises au vu du contexte écologique actuel.

Finalement, j’estime qu’il m’a fallu 50 requêtes Google et 2 jours d’alimentation de mon ordinateur pour écrire ce billet, sans compter l’amortissement de mon MacBook. D’après mes calculs, fondés sur l’infographie de Clément Fournier, j’aurais dégagé quelque 140 g de CO[3], un sacrifice qui, je l’espère, contribuera paradoxalement à la cause écologique.

Notes

[1] Précisions sur les unités de mesure du tableau :

CO2 : Dioxyde de carbone (gaz à effet de serre). En Suisse, les voitures sont autorisées à dégager jusqu’à 130 g de CO2par km, ce qui signifie que 10 g de CO2sont rejetés dans l’air à chaque fois qu’une voiture parcourt 77m. En 2020, cette limite passera à 95 g par km. Notons toutefois que, même si l’on parle d’équivalent en CO2, tous les gaz à effet de serre sont inclus dans cette mesure.

Sb : Antimoine. Ressource non renouvelable, au même titre que le pétrole ou le lithium. Le Kg équivalent SB est l’unité de mesure courante d’épuisement des ressources naturelle.

Éthène :Le smog est une brume causée par une concentration élevée de polluant dans l’air ; il peut être dissout grâce à la lumière, d’où le nom de “smog photochimique”. L’éthène, ou éthylène (C2H4), est un gaz à effet de serre dégagé par les voitures ou l’industrie. Il est utilisé pour mesurer le smog, car, contrairement aux COou au méthane dont les densités sont moins élevées, il s’accumule dans les villes.

SO2 : Dioxyde de soufre, qui se dégage notamment de la combustion d’énergies fossiles. Le Kg équivalent SOest l’unité de mesure courante du potentiel d’acidification atmosphérique.

[2] Sur iTunes et j’ai estimé qu’un morceau de musique de 3 à 4 minutes vaut environ 6’700’000 octets.

[3] (50 requêtes x 20mg CO2) + 2 x (25kg de CO2/ 365 jour) = 1g + 137 g = 138 g ~ 140g

Bibliographie

Vous trouverez ici la liste des sources utilisées, ainsi que quelques ressources supplémentaires.

Introduction

PIXABAY, 2016. Image gratuite sur Pixabay – Monde, Terre, Transparence. Pixabay.com [en ligne]. [Consulté le 02.12.2018]. Disponible à l’adresse : https://pixabay.com/fr/monde-terre-transparence-1348777/.

L’édition de livres

GROSHENS, Claire, 2011. La fabrication du livre et son impact écologique. Futura Planète [en ligne]. [Consulté le 05.12.2018]. Disponible à l’adresse : https://www.futura-sciences.com/planete/dossiers/developpement-durable-fabrication-livre-son-impact-ecologique-1335/.

HACHETTE, 2012. Hachette : Cap Action Carbone [en ligne]. [Consulté le 08.12.2018]. Disponible à l’adresse : https://www.hachette-durable.fr/.

LORHEYDE, Cécile, 2017. Bilan carbone du livre : comment démêler le vrai du faux. Médiaterre.org [en ligne]. Publié le 25.10.2017. [Consulté le 08.12.2018]. Disponible à l’adresse : http://www.mediaterre.org/actu,20171025091658,1.html.

FOURNIER, Clément, 2018. Est-il plus écologique de lire des livres papiers ou sur une liseuse ? e-RSE.net [en ligne]. Publié le 02.05.2018. [Consulté le 09.12.2018]. Disponible à l’adresse : https://e-rse.net/liseuse-livre-ecologique-impact-environnement-270130.SIMONNEAUX, Myriam, 2014. L’étiquetage écologique du livre par Hachette Livre [enregistrement vidéo]. Vimeo [en ligne]. [Consulté le 08.12.2018]. Disponible à l’adresse : https://vimeo.com/94636870.

WEB, 2011. Infographie : livre vs liseuse vs tablette. L’éco-blog [en ligne]. Publié le 07.12.2011. [Consulté le 09.12.2018]. Disponible à l’adresse : https://www.eco-blog.fr/2011/12/bilan-carbone-livre-liseuse-numerique-tablette/.

Le Big Data

BRUT, 2018. Internet : le plus gros pollueur de la planète ? [enregistrement vidéo]. YouTube [en ligne]. 16.07.2018. [Consulté le 05.12.2018]. Disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=XjfGx64FT_c.

FOURNIER, Clément, 2015. Quel est l’impact environnemental d’Internet ? [Infographie]. e-RSE.net [en ligne]. 23.06.2015. [Consulté le 05.12.2018]. Disponible à l’adresse : https://e-rse.net/empreinte-carbone-internet-green-it-infographie-12352/.

GREENPEACE, 2017. Impact environnemental du numérique : il est temps de renouveler Internet. Greenpeace France [en ligne]. [Consulté le 07.12.2018]. Disponible à l’adresse : https://www.greenpeace.fr/il-est-temps-de-renouveler-internet/.

LAHERRE, Théophile, 2017. Internet : le plus gros pollueur de la planète ? Fournisseur-Energie.com [en ligne]. Publié le 13.04.2017. Mis à jour le 08.10.2018. [Consulté le 03.12.2018]. Disponible à l’adresse : https://www.fournisseur-energie.com/internet-plus-gros-pollueur-de-planete/.

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