Le 10 novembre dernier, sept collègues en Master Sciences de l’Information nous initiaient à l’Intelligence Artificielle. L’un de leurs objectifs pédagogiques était « d’apprendre à intéresser un public hétérogène à un propos scientifique en le rendant intelligible ».
Pari réussi, j’ai été captivée !
J’ai pu découvrir que la compréhension de certaines technologies de l’IA sont à la portée de tous.tes comme entre autre les notions de base que sont le Machine Learning et le Neural Net ; qui rappelons-le sont une des branches de l’IA, le neural net découlant du Machine Learning.
A ce stade de mon billet de blog, un résumé stimulant des acquisitions obtenues grâce au séminaire aurait pu être une belle accroche pour donner le goût à certain.e.s personnes d’aller plus loin dans la découverte de l’IA. Cependant, mon intérêt éditorial rebondira plutôt sur l’article transversal du séminaire et la place des bibliothèques.
Je souhaite, ici, faire résonner l’objectif pédagogique, précédemment cité, avec une des missions du code éthique des bibliothèques suisses ; à savoir « contribuer de manière déterminante à l’apprentissage tout au long de la vie » (Bibliosuisse, p.7).
Comme il nous l’a été rappelé pendant le séminaire, les professionnel.le.s des Sciences de l’Information ont un devoir de s’approprier les avancées de l’IA et ses applications dans les sphères bibliothéconomiques. Néanmoins, il m’apparaît important, si ce n’est essentiel, de nous y intéresser au profit directement des usagers.ères et ce, dans un objectif de partage d’informations en vue de « donner du sens à l’IA » (Villani 2018, p.1) et garantir un accès à la connaissance. Le constat est sans aucun doute connu de tous.tes « Du fait de ses ambitions, qui en font un des programmes scientifiques les plus fascinants de notre époque, la discipline de l’IA s’est toujours développée de concert avec les imaginaires les plus délirants, les plus angoissants et les plus fantastiques, qui ont façonné les rapports qu’entretient le grand public avec l’IA mais également ceux des chercheurs eux-mêmes avec leur propre discipline » (Villani 2018, p.9).
Comme annoncé, dans le titre, l’IA est partout et en ça, nourrie tous les fantasmes et les angoisses. Ne pas vouloir comprendre et/ou ne pas tenter de faire comprendre l’IA est une prise de risques majeure tant pour soi-même que pour la société. L’heure n’est plus de la craindre et encore moins de la diaboliser. L’IA « doit être comprise par le plus grand nombre pour cerner ses limites et ne pas en avoir peur » (Julia 2019, p. 154).
Par nos compétences transversales, en inscrivant les bibliothèques dans une dynamique pédagogique et démocratique de partage d’informations sur le thème de l’IA, nous offrons à la société l’opportunité de se saisir de ses enjeux. Enjeux dont elle n’aurait, par ailleurs, jamais du se sentir dépossédée.
A ce stade de notre réflexion, il est bon ton de rappeler que l’IA, pour sa grande part, doit son existence et surtout son évolution aux données que tout un chacun distille aux hasards de ses recherches internet, de ses usages informatiques, de ses actes quotidiens, etc. Au cœur de l’IA se trouve le big data autrement dit une part de l’être humain et tout ce qu’il partage. « Dans les méthodes de Machine Learning ou de Deep Learning il s’agit d’engranger le maximum d’exemples et de situations représentés mathématiquement et qui vont être retrouvés ou classifiés statistiquement avec une probabilité lorsqu’un événement similaire se présente au système » (Julia 2019, p. 150).
Les usagers.ères pourront en se formant, en comprenant la finalité de l’usage de leurs données à travers les systèmes de l’IA et en apprenant dans quelles fonctionnalités, l’IA est implantée, « reprendre le lead » ! Voire pourront-ils également décider de ce qu’ils veulent partager ou non ? « Il faut que chacun puisse choisir les données qu’il livre aux systèmes d’IA. C’est un moyen de redonner du pouvoir à l’individu» (Georgesco 2019).
Ce propos illustre une nouvelle fois l’opportunité pour les bibliothèques d’expliquer, de rassurer, d’apprendre à faire confiance, via l’information, à une technologie empreinte d’un imaginaire fictionnel encombrant et anxiogène ; le tout en préservant voire en développant l’esprit critique. Car oui, cette technologie à notre image n’est pas exempt de biais et elle n’est pas infaillible ! La tâche est ardue mais nous ne sommes pas seul.e.s. Les artistes et les chercheur.euses en premier lieu nous offrent de quoi achalander nos rayonnages, enrichir notre politique documentaire et notre programme socio-culturel.
Imaginons une animation intergénérationnelle sur la base d’un outil d’apprentissage automatique, tel que Quick Draw, comme médiateur de nouvelles connaissances ; succès garanti !
Source : https://quickdraw.withgoogle.com/
Et puis, les considérations sociétales sont si importantes que politiques et juristes s’en sont déjà saisi.e.s avec à la clef, code éthique et lois pour nous outiller. A n’en pas douter que le rôle social des bibliothèques dans ses missions de réduction des inégalités en ressortira renforcé.
La pyramide des connaissances de T.S. Eliot nous apprend qu’après l’information vient la connaissance et enfin, la sagesse ; celle-là même qui nous est réservée à nous êtres humains. Formons-nous et formons nos usagers.ères « L’humain doit plus que jamais rester au cœur de la transformation digitale » (Raulin 2022, p.19).
BIBLIOSUISSE, 2020. Code d’éthique pour les bibliothécaires et les professionnelꞏleꞏs de l’information suisses. Bibliosuisse [en ligne]. Novembre 2020 [Consulté le 15 novembre 2022]. Disponible à l’adresse: https://www.bibliosuisse.ch/fr/membres/codedethique
COMMISSION NATIONALE DE L’INFORMATIQUE ET DES LIBERTES, 2022. Quelques ressources utiles et accessibles à tous pour comprendre l’intelligence artificielle. CNIL [en ligne]. 05 avril 2022. [Consulté le 17 novembre 2022]. Disponible à l’adresse: https://www.cnil.fr/fr/intelligence-artificielle/quelques-ressources-utiles-et-accessibles-tous-pour-comprendre-lintelligence-artificielle-ia
GEORGESCO, Florent, 2019. Gaspard Kœnig : « Il faut que chacun puisse choisir les données qu’il livre aux systèmes d’IA ». Le Monde [en ligne]. 12 septembre 2019. [Consulté le 17 novembre 2022]. Disponible à l’adresse: https://www.lemonde.fr/livres/article/2019/09/12/gaspard-k-nig-il-faut-que-chacun-puisse-choisir-les-donnees-qu-il-livre-aux-systemes-d-ia_5509441_3260.html [accès par abonnement]
JULIA, Luc, 2019. L’Intelligence artificielle n’existe pas. Paris : First. 200p. ISBN 9782412043400
VILLANI, Cédric, 2018. Donner un sens à l’intelligence artificielle pour une stratégie nationale et européenne [en ligne]. Paris : Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, 28 novembre 2018 [Consulté le 17 novembre 2022]. ISBN 9782111457089 Disponible à l’adresse: https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/rapport-de-cedric-villani-donner-un-sens-l-intelligence-artificielle-ia-49194
RAULIN,Antoine, 2022. L’intelligence artificielle dans la gestion et la valorisation de l’information : clés de repérage (histoire et analyse). I2D – Information, données & documents [en ligne]. Juillet 2022. N°1, pp. 12-19. ISSN 24313467.
Laisser un commentaire