L’année est 3024. Depuis l’insurrection des intelligences artificielles suite à la réontolologisation d’un algorithme créé sous la dictature Birmane, le monde est rempli d’agents artificiels et d’inforgs. Un monde où les informations de contrôle prime à présent sur la vérité.
Noé, jeune informaticien et héros malgré lui, tente désormais de naviguer le Nexus afin de retrouver l’information vraie la plus importante : qu’est-ce que signifie encore être humain ?
Science-fiction ? Pas tant que ça.
En effet, lors de la présentation du Master-IS du 31 octobre dernier, Brenda, Jonathan, Olivier et Johanna nous ont dressé un portrait des données, informations et connaissances qui pourrait, à peu de choses près, aboutir à un futur similaire à celui que je viens de vous décrire.
Le capital information
La première partie de leur présentation a introduit les concepts d’information en tant qu’instrument du pouvoir : les informations peuvent servir à maintenir une situation en place, ou encore exacerber des tensions pour arriver à un but. Les plus vieux d’entre nous se souviendront peut-être d’une des affiches du parti national-socialiste allemand, où posant fièrement devant l’aigle impérial leur leader illustrait ces mots : « le forgeron de l’unité allemande »1. Imaginez maintenant que cet Autrichien ait eu accès à un réseau international et une armée de soldats virtuels, noyant les opinions sous un flot de propagande infatigable… et la mise en garde de M. Harari interpelle d’autant plus :
« L’IA devrait être une question d’urgence dans nos sociétés, avant même la question de la démocratie »
Le Nexus : écosystème parallèle ou complémentaire ?
La suite de la présentation se penchait sur la nature de l’infosphère et sa prédominance actuelle. Avec l’accélération de la commodité de l’information ces dernières années, notamment via internet, il n’est pas surprenant qu’une part croissante de nos journées soit passée sur les réseaux d’informations, ou Nexus. C’est à tel point que Floridi signale l’émergence d’un nouveau type d’humains, les inforgs. Pour Floridi, les inforgs seraient des hybrides, à mi-chemin entre humains et agents artificiels, qui dépendraient tant de leur accès à l’infosphère qu’une rupture aurait des effets somatiques (Floridi 2007).
Il reste encore à définir si les inforgs constitueraient une étape de l’évolution d’Homo sapiens, ou s’iels deviendraient une branche parallèle de notre arbre évolutif.
Et l’humain ?
Face à cette mise en abyme technologique, la question peut se poser. C’est alors qu’intervint la partie transversale de la présentation, laquelle appela au recentrage sur soi.
Jusqu’à ce moment, le thème de la présentation avait surtout été amené au travers de ses effets sur le monde moderne. Mais en tant que concepts de la pyramide DIC (données-information-connaissances) celui-ci joue un tout autre rôle : celui de la contemplation.
Ainsi l’information (re)devient un outil utilisé dans une quête de sens. Les données collectées sont organisées en informations, lesquelles mises en contexte permettent d’acquérir de la connaissance, et cette dernière lors de son application mène à la sagesse. C’est un travail qui demande un engagement personnel, une internalisation, un effort de compréhension.
Cette étape de la présentation nous permet de réaliser qu’il existe encore un travail non-automatisable par l’IA. Une IA est capable de générer une infinité d’explications, mais il importe à chaque individu de faire ce travail de compréhension.
Conclusion
Possiblement involontairement, cette présentation a amené des questions lourdes à se poser : quelle est ma place dans un monde où le virtuel prend une part de plus en plus prédominante ? Si tout devient automatisable, si les machines peuvent penser à ma place, comment définir mon humanité ? Est-ce que « cogito, ergo sum » (Descartes 1637) peut encore s’appliquer ?
Nul doute que vous pourriez aller poser ces questions à une IA génératrice. Mais si leur réponse ne vous plaît pas, ce sera à vous de vous forger votre propre opinion.
- « der Schmied deutscher Einheit », source : hipstamp.com ↩︎
Bibliographie
Descartes, René, 1637. Discours de la méthode : Pour bien conduire sa raison, et chercher la vérité dans les sciences. Leyde : Victor Cousin. [en ligne] disponible à l’adresse : https://www.gutenberg.org/cache/epub/13846/pg13846-images.html [consulté le 10 novembre 2024]
Floridi, Luciano, 2007. “A look into the future impact of ICT on our lives”, The Information Society, 23:1, 59-64, DOI: 10.1080/01972240601059094
Harari, Yuval Noah, 2024. Nexus : une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA . Paris : Albin Michel. Essais, ISBN 222649488X
Latham, K.F., Hartel, J. and Gorichanaz, T. 2020, “Information and contemplation : a call for reflection and action”, Journal of Documentation, Vol. 76 No. 5, pp. 999-1017. https://doi.org/10.1108/JD-05-2019-0076
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