Notre projet de recherche dans le cadre du Master en Sciences de l’information porte sur les offres hybrides en bibliothèque. Aujourd’hui, le monde du numérique et du papier coexistent en bibliothèque, mais sont souvent des espaces disjoints, entraînant une perte dans le potentiel de la recherche. Les bibliothèques doivent donc trouver une manière de fusionner leurs collections numériques et imprimées dans l’espace physique et numérique, de sorte à offrir un savoir structuré et une plus-value aux usagers. La convergence des deux types de ressources soulève deux enjeux : l’importance du visuel et l’importance des métadonnées.
L’importance du visuel en recherche d’information
Lorsque l’on fait des recherches sur le traitement de l’information au niveau cognitif, on se rend compte que l’image occupe une place centrale dans le repérage de l’information et sa mémorisation (Reed, 2017). Une requête des plus classique en bibliothèque et paradoxalement l’un des moyens de recherche le moins automatisé est bien :
“Je ne me souviens pas du titre mais la couverture était rouge”.
Or les catalogues de bibliothèques associent rarement les métadonnées relatives à l’image de l’objet catalogué. Elles associent – pas toujours automatiquement – des images, souvent miniaturisées du document, mais ces images ne sont pas décrites et répertoriées dans un champ prévu à cet effet.
Nous remarquons par ailleurs qu’il s’agit d’une technique que les vendeurs en ligne tels qu’Amazon ont particulièrement investie et qui a été reprise par de grandes bibliothèques telles que la New York Public Library. Passer par l’image pour découvrir et rechercher ne manque pas de prouver son efficacité auprès des publics.
Les bibliothèques hybrides et l’importance des métadonnées
A l’ère du numérique, il devient nécessaire de révolutionner notre rapport à la recherche en bibliothèque. Jusqu’à présent, on essayait de reproduire dans le monde numérique les mécanismes de recherche développés par les lecteurs avec les collections physiques, en essayant par exemple de simuler les rayonnages physiques dans l’espace numérique.
Il s’agit désormais d’exploiter le potentiel offert par le numérique en créant et entretenant des métadonnées fines et de qualité et en proposant des dispositifs intuitifs et attrayants qui intègrent à la fois les ressources numériques et imprimées.
Ces dispositifs, dits “passerelles”, permettent la fusion de ces deux types de collection. En effet, on pourrait imaginer un dispositif de la sorte permettant d’afficher sur son smartphone ou sa tablette un rayon virtuel à côté du rayon physique de la même thématique, grâce à la technologie de la réalité augmentée. HP Reveal, l’application développée par HP, offre des perspectives stimulantes à ce sujet.
Afin que les ressources affichées soient pertinentes, la qualité des métadonnées est indispensable. La question de la qualité des métadonnées est ainsi au centre de notre projet de recherche. Si les métadonnées font depuis longtemps partie du métier de bibliothécaire, l’enregistrement de métadonnées pertinentes par document est un travail de longue haleine pour les professionnels de l’information. C’est pourquoi des chercheurs se tournent vers les intelligences artificielles, comme en témoigne le projet Tamis.
Passer les livres au tamis
Tamis, pour Traitement Algorithmique des Métadonnées en Imagerie et Sémantique, tente de répondre aux enjeux de la découvrabilité en utilisant l’intelligence artificielle pour générer quasi automatiquement des métadonnées à partir des couvertures de livres. Ces métadonnées peuvent ensuite être intégrées au catalogue.
Ci-dessous un exemple de métadonnées extraites automatiquement de la couverture d’un livre :
Le projet bénéficie du soutien du Conseil des arts du Canada dans le cadre du Fonds stratégie numérique. L’un des gestionnaires du projet, Gilles Herman des Éditions du Septentrion, décrit Tamis comme suit :
“[Tamis] c’est l’utilisation d’algorithmes, de librairies à code source libre, ou d’API disponibles à peu de frais, disponibles ici et là, pour tenter de comprendre une œuvre, d’en sortir le jus qu’un curateur humain n’a pas le temps, l’énergie ou la connaissance d’extraire. C’est utiliser le contenu même d’une oeuvre pour tenter de la décrire : mots fréquents, géolocalisation, analyses sémantiques, tout va y passer. Analyse des couvertures, des résumés, mises en relation, travail statistique.” (Herman, 2018)
Il s’agit donc d’un nouveau vecteur de découvrabilité et de recherche, grâce à une description enrichie de l’objet.
A qui incombe la responsabilité des métadonnées ?
Ajouter des métadonnées est un travail chronophage pour les bibliothécaires, éditeurs ou autres professionnels de l’information, d’où l’importance du projet Tamis. Cependant, l’enjeu ne se situe pas seulement au niveau de la création des métadonnées, mais aussi au niveau de leur exploitation par les différents professionnels de l’information. Leur circulation et leur réutilisation sous-entend une compatibilité des plateformes ainsi qu’une convergence des besoins en termes de champs descriptifs.
Sur un autre plan, en tant que jeunes chercheuses, nous allons également devoir gérer des données dans le cadre de ce projet de recherche. En effet, nous créerons des données à partir des observations que nous allons effectuer sur des dispositifs innovants permettant la découvrabilité des ressources physiques et numériques. Ces données seront structurées dans une grille d’analyse, disponibles en Open Access sur la plateforme suisse de dépôt de données DLCM et trouvables grâce à des métadonnées. Cette pratique correspond à l’exigence désormais adressée aux chercheurs-euses de favoriser la réutilisabilité des données de la recherche et de remplir les conditions du principe FAIR.
Les images et les métadonnées sont deux éléments indissociables de la problématique des bibliothèques hybrides. L’élément visuel est souvent négligé dans la recherche de ressources documentaires et pourrait pourtant être un élément intéressant des futurs catalogues. La qualité des métadonnées est quant à elle cruciale en recherche d’information et détermine l’efficacité du dispositif hybride mis en place.
Bibliographie
HERMAN, G., 2018. Passer une oeuvre au tamis. tamis.ca [en ligne]. 4 septembre 2018. [consulté le 12 mai 2019]. Disponible à l’adresse : https://tamis.ca/author/gillesherman/
REED, S., 2017. Cognition : Théories et applications. 4e ed., Ouvertures psychologiques. Série internationale. Louvain-la-Neuve: De Boeck supérieur. ISBN 978-2-807307-58-2
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