IGG
Revue de la littérature
1. L’architecture de l’information et ses bases théoriques
Les êtres humains sont en constante recherche d’information, ils interagissent avec les environnements numériques et cette interaction est directement influencée par l’architecture de l’information (AI). L’utilisateur est au centre des réflexions de l’AI. Cette dernière aide les gens à comprendre leur environnement et à trouver ce qu’ils cherchent, dans le monde réel et en ligne (The IA Institute, 2016).
L’organisation de l’information, les systèmes de navigation facilitant l’orientation de l’utilisateur, les systèmes de recherche permettant de rechercher l’information et enfin la description sont les principes constitutifs de la discipline.
L’AI est liée à la communication et à la manière dont les personnes reçoivent et traitent l’information. D’après Peter Morville et Louis Rosenfeld (2007), les architectes de l’information travaillent pour répondre aux questions les plus courantes, celles auxquelles sont confrontés les utilisateurs lorsqu'ils atterrissent sur un site.
L’architecture de l’information permet de contextualiser le contenu des pages et indique ce qu’il est possible de faire sur un site. Elle aide l’utilisateur à naviguer selon un ordre hiérarchique ; elle permet de naviguer en utilisant le contenu ; elle fournit les indications pour naviguer dans les services de base (Morville, Rosenfeld, 2007).
2. L’emploi des concepts de l’architecture urbaine et de l’architecture de l’information dans l’environnement virtuel
L’Architecture Urbaine (AU) est le résultat d’un processus multidisciplinaire qui structure les villes et leur donne leur forme. Elle est l’art de créer des places et de dessiner le contexte urbain. L’AU implique la création d’immeubles, d’espaces, d’un paysage et de l’établissement de structures et procédures qui facilitent le développement de la ville (UDG, 2011).
L’AU satisfait à des objectifs clairs de:
- Lisibilité
- Mouvement
- Continuité et clôtures
- Adaptabilité et diversité
- Caractère et qualité des espaces publics
2.1 Le principe d’imageabilité
Les sites Web et les applications créent des contextes que les personnes perçoivent désormais comme des lieux où ils vont pour faire des actions déterminées. Les utilisateurs ont besoin de donner un sens à ces environnements informationnels et de se former des modèles mentaux afin de trouver ce qu’ils cherchent, comme ils le font dans les villes et les bâtiments (Arango, 2017).
L’utilisateur serait capable de réagir avec l’espace qui l’entoure grâce à la connaissance de ce dernier et à la formation d’une image mentale. Le concept de « l’image de la ville » a été introduit par les psychologues et approfondi par les urbanistes travaillant sur l’orientation dans l’espace. La contribution la plus riche et influente dans ce sens a été fournie par Kevin Lynch (1960) qui a identifié cinq principes qui sont repérables dans les villes et qui interviennent dans la construction d’une image mentale.
Ils se définissent ainsi:
- Landmark: monument, point de référence
- Path: chemin, allée, parcours
- Edge: bord, limite
- District: quartier, arrondissement
- Node: noeud, intersection
La combinaison de ces cinq éléments rend toutes les villes différentes et permet aux personnes de créer un modèle mental pour chacune d’elles. On parle ainsi de "lisibilité": l’aisance avec laquelle les individus peuvent organiser les éléments urbains dans une image mentale cohérente. Ce principe de lisibilité est à la base de l’architecture urbaine.
D’après l’analyse de Elaine G. Toms (2002), dans l’interaction avec l’information, le sujet est guidé par le besoin de connaissances qui le pousse à identifier son objectif. L’architecture de l’information intervient dans l’organisation du système et offre les éléments pour orienter la recherche de l’information.
Dans l’interaction avec l’information, on retrouve également les landmarks et des aspects qui entrent en résonnance avec le processus de l’imagability défini par Kevin Lynch (1960). Les environnements informationnels offrent à l’utilisateur des éléments lui permettant de faire son expérience dans l’espace virtuel et de former ainsi une image mentale du contexte qu’il parcourt.
Afin que les utilisateurs puissent se déplacer dans l’espace virtuel et trouver ce qu’ils recherchent, les Web designers répondent aux mêmes principes d’organisation de l’espace qui régissent l’architecture urbaine:
- Les barres de navigation, les boîtes de recherche sont les chemins pour la navigation
- Les étiquettes et les icônes peuvent être considérées comme des points de repère, puisqu’elles orientent l’utilisateur en indiquant où se diriger dans l’espace
- Les menus offrent l’accès à des informations reliées et, en structurant le contenu similaire en différentes zones, confèrent une identité propre à chaque partie du site Web, ce qui établit une analogie claire avec les quartiers
Une étude spécifique analysant le parallèle entre l’architecture urbaine et l’architecture de l’Information n’a pas été réalisée jusqu’ici, néanmoins on retrouve dans la littérature des allusions aux ressemblances qui peuvent être repérées repérables entre les deux disciplines.
2.2 Le site Web comme environnement total
Le concept de "environnement total" est à la base du New Urbanism (NU), mouvement de l’AU qui dans les années nonantes rediscute les principes architecturaux et repense la construction des villes.
Les principes avancés par le Congress of New Urbanism (CNU) se veulent un guide dans la construction de villes qui soient vivables et créées pour ses habitants. D’après Lauren Burke (2002), les sites Web devraient être structurés en termes de communautés réelles afin d’organiser de manière totale l’environnement informationnel. Ses spéculations offrent une base pour établir des correspondances entre les principes guidant le NU dans la construction d’une ville et les composants de l’AI.
Les concepts du NU semblent refléter les lignes directrices de Kevin Lynch (1960) tout en y ajoutant des éléments innovants qui aident à planifier dans le détail la structure urbaine. Nous avons pu en effet établir un parallèle entre les principes du NU et les principes constitutifs de l’AI (cf. la page 14 du livrable Revue de la littérature).
2.3 La ville comme réseau de connexions
D’après Nikos A. Saligaros (1998), le réseau urbain est constitué d’un ensemble de connexions et sub-connexions qui permettent de créer de la vie dans une ville. Le succès d’un design urbain dépendrait des connexions qui s’établissent entre les nœuds, centres d’activités humaines. La violation d’une seule de ces connexions serait à l’origine des problèmes d’une ville.
Dans cette perspective, la ville est perçue comme un complexe système de liaisons créé grâce à l’architecture urbaine, définie comme une "extension of human mind to the environment". Tous les éléments qui la constituent permettent à l’homme de se connecter à l’environnement (Saligaros, 1999). De plus, l’espace urbain, d’après Nikos A. Saligaros (1999), est strictement lié à ses utilisateurs qui peuvent modifier sa structure en ajoutant du contenu informationnel et en le rendant ainsi plus utile.
A l’origine de la création des espaces urbains réussis, il y a donc trois axiomes:
- L'espace urbain est délimité par des surfaces présentant des informations sans ambiguïtés
- Le réseau des chemins et des noeuds est déterminé par le champ d’information spatiale (défini par le contenu et son accessibilité)
- L'espace pédestre est le centre de l’espace urbain
L’expérience des humains est strictement liée à l’information contextuelle et à son interprétation.
L’accent posé sur le champ informationnel et sur son importance dans l’architecture urbaine est très intéressant. Il nous permet d’établir un parallèle avec l’architecture de l’information et par conséquent entre l’espace urbain et l’espace informationnel délimité par un site Web.
L’utilisation de l’espace urbain est, par conséquent, liée à la communication et à la manière dont le piéton reçoit et échange l’information. Les échanges d’information sont à l’origine d’une ville mais elles ne peuvent pas être prévues à l’avance. (Coward, Saligaros, 2004).
Les villes sont perçues comme des systèmes complexes d’architecture d’information, des systèmes d’interactions entre les humains, les immeubles ainsi que tous les éléments qui constituent une ville.
3. Les patterns
D’après l’architecte Christopher Alexander (1977), les environnements sont façonnés par l’humain à l’aide d’un langage constitué de patterns qui permettrait de communiquer et d’articuler une variété de formes dans une structure précise.
Les patterns ne sont pas des structures rigides, mais des éléments qui peuvent être combinés à l’infini. Dans le Web Design, ils sont utilisés pour résoudre des problématiques dans la construction d’un site et répondre aux besoins informationnels de l’utilisateur.
D’après Jenifer Tidwell (2010), les patterns permettent de rendre les choses plus simples à comprendre ou plus belles en améliorant ainsi l’expérience utilisateur. Ils exploitent les solutions les plus communes tout en laissant de l’espace à la création, afin de faire de chaque implémentation une création unique et originale.
Les êtres humains agissent de façon prévisible et suivent ainsi des patterns du comportement. D’après Jenifer Tidwell (2010), seules les applications qui utilisent ces patterns peuvent atteindre les objectifs des utilisateurs. Les design patterns d’un site permettent par conséquent de répondre à des objectifs précis, de satisfaire les besoins des utilisateurs et de mettre en avant les fonctionnalités du site.